A défaut d'une disponibilité abondante en ressources énergétiques naturelles, la Région wallonne est riche de ressources 'grises' variées et innovantes. Confirmation faite avec l'importante délégation d’entreprises wallonnes présente cette année à Pollutec le salon international des professionnels de l'environnement. Vitrine des solutions durables pour l'industrie, les villes et les territoires, l’événement est l’occasion de découvrir les technologies wallonnes destinées à répondre aux enjeux environnementaux et énergétiques actuels. Parmi les entrepreneurs présents, nous avons rencontré Michel Delanaye, CEO et fondateur de Mitis, société spécialisée dans les micro-turbines et qui compte bien révolutionner la production d'énergie Portrait.

AWEX : Bonjour Michel, pourriez-vous pour commencer nous présenter qui est Mitis et quel est son cœur de métier ?

Michel Delanaye : Bonjour. J’ai fondé en 2012 Mitis avec pour objectif de développer et de commercialiser des systèmes de cogénération de petites tailles (micro-turbines), destinés aux infrastructures résidentielles, commerciales et tertiaires. En quelques années, nous avons développé des compétences d’assemblages et de conception numériques de nos propres systèmes, pour proposer des solutions directement implémentables par nos clients. In fine, nous proposons actuellement 3 produits : des micro-turbines de cogénération à combustion sans flamme, des pompes à chaleurs à réfrigérant naturel et des chaudières au biogaz.

AWEX : Et en quoi consiste votre technologie ?

MD : La base de notre technologie, ce sont les micro-turbines. Nous avons conçu avec nos partenaires de l’ULB/ULG (Mitis est une s.a. basé au Sart-Tilman à Liège, NDLR) des miniatures issues de systèmes normalement beaucoup plus grands (ex : turbines d’avions ou à gaz). La particularité de notre technologie réside notamment ici dans une combustion sans flamme permettant de produire cent fois moins d’émissions qu’un moteur à pistons classique, particulièrement au niveau de l'oxyde d’azote (NOx).

AWEX : Sur quels secteurs d’activités évoluez-vous ?

MD : Nous évoluons actuellement dans plusieurs secteurs dont les plus importants sont ceux de la microbiométhanisation en collaboration avec notre partenaire principal, la société liégeoise ANATIS,pour des petites installations (fermes, brasseries, fromageries…) qui produisent des effluents et eaux sales mais qu’ils peuvent valoriser en biogaz directement sur leur site. C’est génial du point de vue de l’économie circulaire car ils réutilisent leurs déchets et produisent in situ une partie de leur énergie.

Ensuite, comme évoqué au début, nous travaillons sur les systèmes de chauffage des bâtiments collectifs (écoles, piscines, hôpitaux, entreprises…) avec nos micro-turbines qui produisent de la chaleur et de l’électricité avec des taux d’émissions extrêmement faibles tout en les couplant avec des pompes-à-chaleur innovantes.

Avec notre R&D, nous travaillons aussi sur l’électrification des véhicules de transport. Les véhicules hybrides (électriques qui se rechargent en roulant) ont évolué vers le plug-in hybride et bientôtl’électrique-Hybride (HBEV), c’est-à-dire à propulsion électrique avec moins de batteries mais un moteur qui recharge les batteries (mais n’assure plus la propulsion du véhicule directement). La technologie de nos micro turbines adaptées à ces systèmes permettraient aux véhicules d’atteindre facilement les nouvelles normes EURO 7. Nous avons décroché plusieurs contrats de R&D avec différents industriels de l’automobile sur ce thème et nous visons bien entendu à terme une commercialisation de nos systèmes développés.

AWEX : Vous êtes les seuls à travailler sur ces technologies ?

MD : Sur notre marché de prédilection, d’autres technologies existent, il y a donc pas mal de concurrence (ex : moteurs à pistons). Par contre sur le segment spécifique des micro-turbines, nous sommes peu nombreux, peut-être 4 ou 5 sociétés dans le monde, réparties entre l’Europe et les USA.

Mais nous ne travaillons pas seuls, loin de là. De telles technologies nécessitent la mise en place de partenariats (ex. avec les centres de recherches universitaires) et des soutiens publics. Nous avons décroché il y a un an le EIC Accelerator de l’UE qui nous a permis d’accélérer, c'est le cas de le dire, la production de prototypes et porter notre équipe à 14 personnes. Nous avons reçu aussi beaucoup de soutien par la Région wallonne au travers des programme d’aides à l’innovation de la DGO6. Nous nous positionnons également sur le sujet de la conversion d’Hydrogène bientôt soumis dans le cadre d’un projet du plan de relance de la région coordonnée par John Cockerill (HECO2).

AWEX : Et où en êtes-vous dans votre développement commercial ?

MD : Nos prototypes sont en cours de déploiement sur le terrain. Nous continuerons de les perfectionner pendant l’année 2022 et nous planifions notre arrivée sur le marché en 2023.

Michel Delanaye, CEO & founder de Mitis.

"La production d'une énergie peu émettrice en gaz à effet de serre est devenue indispensable pour les petites structures (collectivités, PME...) qui souhaitent gagner en résilience et s'inscrire dans l'économie circulaire."







AWEX : Quels enjeux de durabilité prenez-vous en compte avec vos solutions ?

MD : Nous sommes en plein dans les enjeux actuels de gestion et de consommation énergétique, dans l’économie circulaire… Nous travaillons à la fois sur l’amélioration des rendements, la diminution des émissions de polluants issus de sources d’énergies classiques, mais nous nous inscrivons également dans le smart grid, c’est-à-dire les réseaux électriques intelligents qui permettent à leurs différents acteurs et producteurs centralisés/décentralisés, fournisseurs, gestionnaires de réseaux de transport et de distribution et consommateurs – d’interagir avec flexibilité afin de maintenir une fourniture d’électricité efficace, durable, économique et sécurisée.

Au-delà des substantielles économies d’énergies que peuvent faire nos utilisateurs, nous sommes persuadés que, dans le futur, la lutte contre les oxydes d’azote (NOx) va devenir de plus en plus prioritaire. Pour le moment les industries se concentrent surtout la diminution du dioxyde de carbone (CO2) et du méthane (CH4), mais le NOx est aussi un important gaz à effet de serre produit par les activités humaines.

L'autre enjeu important que j'ai déjà évoqué plus haut est celui de l'économie circulaire. La production d'énergie, qui plus est peu émettrice en polluants et gaz à effet de serre, est devenue indispensable pour les petites structures (collectivités, PME...) qui souhaitent gagner en résilience et s'inscrire dans l'économie circulaire. En plus, au-delà des avantages évoqués, c'est intéressant pour leur communication et contribuer à l'atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) pour celles qui les utilisent dans leurs stratégies de développement local et international.

AWEX : Parlant international, que représente l’export pour vous ? Avez-vous des projets spécifiques ?

MD : Pour faire simple, notre business plan prévoit que nous devons produire et vendre 2500 machines d’ici à 2026. La Belgique, c’est maximum 200 machines ! Donc vous avez vite fais le compte… Nous nous projetons naturellement vers l’international. Nos zones prioritaires sont pour le moment les grands bassins industriels européens, très demandeurs en énergie mais très, voire trop, dépendants d’une seule source pour leur production électrique : le gaz. Et si vous avez lu l’actualité ces derniers jours, vous avez encore la confirmation à quel point c’est une préoccupation stratégique actuelle.

AWEX : Un mot sur votre collaboration avec l’AWEX et vos attentes à Pollutec ?

MD : Ça fait déjà longtemps que nous collaborons avec l’AWEX. A cause de la pandémie liée au covid19 nous n’avons pas fait beaucoup d’actions ensemble, mais nous avons reçu du soutien dans l’entretien de nos relations B2B à l’étranger, dans notre communication… C’est toujours très appréciable, à tout moment.

Nous sommes surtout heureux d’être ici ensemble à Pollutec. Pour une petite société comme nous, mutualiser les coûts avec l’AWEX sur des salons internationaux, c’est très important. Ça nous permet aussi de pouvoir participer à plus de foires. Nous espérons qu’avec la reprise et le retour progressif des déplacements internationaux nous allons pouvoir trouver ici des nouveaux contacts, des distributeurs en France et éventuellement trouver plus de grandes sociétés qui seraient prêtes à adopter nos technologies. Nous sommes des équipementiers, pas des installateurs, donc nous recherchons surtout des sociétés plus importantes qui peuvent installer nos produits.

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