« J’aime que les gens interagissent avec mes créations, qu’ils fassent de chaque utilisation une expérience unique ».
Le meilleur du design belge s'expose à Milan
La Milan Design Week bat son plein. Côté belge, une cinquantaine de créateurs présentent leurs réalisations aux quatre coins de la capitale du design sous le projet ‘Belgium is Design’. Il y a ceux dont la renommée mondiale n’est plus à présenter et ceux dont les prototypes s’exposent au sein de l’expo ‘The New Belgians – Salone Satellite extra muros’. Nous avons rencontré l’un d’entre eux, le créateur liégeois Jimmy De Angelis qui a partagé avec nous son parcours international et sa vision de l’objet unique. Rencontre.
Evénement le plus important au monde dédié au design, et plus particulièrement à l’univers du mobilier, la Design Week de Milan, cru 2021, bat son plein. Ponctués d'événements, de projections et d’expositions en continu, le Salone Del Mobile et le Fuorisalone constituent une vitrine internationale de premier plan pour ses exposants, professionnels ou jeunes créateurs. La Belgique sera représentée par une cinquantaine de designers répertoriés dans le projet Belgium is Design (qui fête cette année ses 10 ans), un projet initié par les institutions régionales de promotion du design (WBDM, Flanders DC et MAD, Home of creators). Cette importante délégation est répartie dans toute la ville (la carte complète disponible ici), entre designers qui exposent eux-mêmes et ceux qui sont représentés au Salone Satellite, réservé aux jeunes créateurs de moins de 35 ans.
Mais qui sont ces jeunes designers battant pavillon 'Belgium is Design' ? Alors que le vernissage des ‘‘The New Belgians – Salone Satellite extra muros’ se clôture, nous en avons profité pour rencontrer Jimmy De Angelis, designer liégeois auteur de plusieurs créations renommées dont le fil conducteur est la mise en valeur de la lumière et l’interactivité entre l’utilisateur et l’objet.
AWEX & WBDM : Bonjour Jimmy, pourrais-tu nous présenter Nest, le projet que tu exposes cette année à Milan ?
Jimmy De Angelis : Nest, c’est un luminaire sur pied dont les balles de lumière peuvent être disposées dans le filet selon les envies de son utilisateur. Ce jeu permet de créer à chaque fois une ambiance ou un effet de lumière différent à chaque fois que l'on touche aux balles.
Pour pouvoir te présenter auprès du public, peux-tu nous dire quelle est le travail qui selon toi te représente le plus aujourd’hui ?
JDA : C'est facile, il y en a un en particulier : l’AT27, un luminaire que j’ai réalisé en 2017 et qui a bénéficié d’énormément de visibilité, que ce soit à travers des articles publiés dans des revues spécialisées ou des posts Instagram de créateurs ou d'influenceurs. De fil en aiguille, il m’a ouvert les portes du marché européen et l’intérêt de plusieurs éditeurs.
Qu’est-ce qui te guide aujourd'hui ?
JDA : J’ai toujours développé une fascination pour la lumière. Pour le moment je continue d'explorer les possibilités de jeu qu'elle offre. On peut tout faire avec la lumière ! Je peux travailler l’espace mais sans barrières, sans murs. Je peux travailler les chaleurs, les couleurs, les ambiances… Bref j’adore ça ! Un temps, j’ai eu ma période 'suspension' maintenant je suis dans une période 'luminaire sur pied'. J’adore aussi jouer avec la gravité, voire comment jouer avec elle pour mettre en forme des objets. Avec Aurore, je me suis amusé à défier la gravité avec des aimants. Avec AT27 j’ai coulé du plastique qui permet à la gravité de finaliser mon œuvre.
Comment ça ?
JDA : Un spot chauffe une plaque de Plexiglas qui repose sur un treillis métallique. Des distorsions apparaissent alors sous l’effet de la gravité pour lui conférer l’apparence d’un liquide. Bref, l’œuvre est différente à chaque fois.
De ta première idée à ta présence ici à Milan, peux-tu revenir brièvement sur ton parcours ?
JDA : J’ai réalisé une partie de mes études à Liège (Saint-Luc) en design industriel. Je suis parti travailler un temps en Italie puis je suis revenu en Belgique où j'ai suivi une formation en design-produit, puis en biomimétisme. A cette époque, je me suis intéressé au travail avec les matières organiques vivantes, notamment avec les champignons (bioluminescence et cuir végétal). J’ai tenté de développer ces concepts au maximum mais je pense qu'au-delà de l’expérimental, c'était un peu trop tôt à l’époque. De 2016 à 2017 j’ai travaillé comme indépendant pour des entreprises puis j’ai développé l’AT27 qui m’a lancé en Belgique et en Europe. Maintenant je travaille avec différentes sociétés comme l’Oréal et Schreder.
Te considères-tu davantage comme un artiste ou un designer ?
JDA : L’artiste n’a pas obligatoirement de normes à suivre. Le designer, par contre, en a plein. Quand je travaille pour moi, je ne me sens pas artiste mais par contre j’ai la liberté de l’artiste. Lorsque je reçois des commandes d’entreprises là, par contre, je me sens comme un designer. Concernant ma créativité intérieure, je dirai que je suis à la frontière des deux mais plutôt côté designer. Je fais tous mes prototypes moi-même, de A à Z . C’est vraiment des créations personnelles mais j’estime qu’il me manque cette petite fibre de folie qui me placerait totalement du côté de l’artiste.
Il y a des choses qui ne te plaisent pas dans le design ?
JDA : Pas particulièrement, mais j’ai par compte plus de difficultés à travailler avec le design plus cadenassé comme le design automobile ou les jouets pour enfants. Il faut des compétences et des affinités avec ces produits que je n'ai pas vraiment.
As-tu le sentiment que tu proposes un service ou une œuvre ?
JDA : Ça dépend vraiment des projets sur lesquels je travaille. Concernant les œuvres évoquées, je ne parlerai pas de 'service' au sens pur et dur car je ne propose pas que ‘de la lumière’. Plutôt un mélange des deux. J'essaie toujours de proposer des choses uniques. Au-delà du service rendu par l'objet, il y a une part d'artistique dans le sens que chaque modèle réalisé sera unique. Avec AT27, toutes les lampes seront uniques vu que le plastique fondu sous l'effet de la chaleur réagis différemment à chaque fois. C'est le même principe avec les aimants d'Aurore ou les balles de Nest que je viens de vous présenter. Tout est personnalisable. J’aime qu’il y ait une interaction avec mes créations, pas seulement un service, mais aussi un objet désirable et agréable. En général les gens n’osent plus toucher les œuvres qu’ils installent de peur de les abîmer. Je veux que les gens touchent, chipotent, modifient mes créations qu'ils acquièrent.
Tentez-vous parfois de faire passer des messages avec vos réalisations ?
JDA : Pas nécessairement. Je l’ai surtout fait avec Mimeo, lorsque je travaillais sur la bioluminescence. Ce projet se voulait également une démarche de réflexion autour de l’écologie, de la réutilisation (les champignons peuvent être relancés grâce à la récolte des spores)…
Tu as déjà eu la possibilité d’exporter ton travail ?
JDA : Oui j’ai des clients étrangers. Mais mon travail reste dans le registre de l’autoproduction pour des clients spécifiques, géographiquement assez proches (France, Italie…). Du coup je m'occupais moi-même de l’emballage, de l'expédition... C’est beaucoup de travail supplémentaire qui entraîne aussi beaucoup de risques. Si une œuvre ou un composant s'abîme durant le transport, ben c'est pour ma pomme/ Et comme ces œuvres sont fragiles, vous imaginez le casse-tête. Sinon comme je vous l'ai dit, je reste consultant pour des entreprises belges ou européennes qui travaillent sur de grands projets internationaux comme le métro de Ryad ou le salon du livre de Francfort…
Au final, qu’attends-tu de cette Design Week ?
JDA : La Design Week, c’est clairement un salon de référence où l’on trouve un public international en recherche de nouveautés et d’opportunités. Du coup j’espère parvenir à nouer de nouveaux contacts avec des éditeurs étrangers, les belges je pense les connaître à peu près tous.
Cette année, je ne présente qu’une seule pièce, mais la technologie de pointe qui équipe les balles de lumière m’a pris énormément de temps et d’énergie pour être maîtrisée. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, j’ai encore dû refaire des tests car certaines ont brûlé. Je ne vous dis pas le stress ! (Jimmy se tourne vers Nest) Mais là je suis confiant, on est bon tous les deux !
Depuis 2007, Wallonie-Bruxelles Design Mode (WBDM) soutient les entreprises et les designers (Wallonie et Bruxelles) des secteurs de la mode et du design dans leur développement international. Cela comprend la mode, le design produit, -de mobilier, -textile, -d'espace, -de communication, -social et le food design.
WBDM s’adresse avant tout à un public d'entreprises et de créateurs entrepreneurs, dont l’ambition est d’élargir leur activité à l’étranger et de les soutenir grâce à son équipe spécialisée dans la mode et le design. Comment ? En leur apportant des formations, des conseils à l’exportation en les appuyant sur les différentes aides, soutiens financiers et autres opportunités, en prospectant de nouveaux marchés via les salons, événements internationaux et la presse spécialisée.
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