« Intégrer le développement durable, c'est montrer que nous restons un partenaire en phase avec les évolutions de la société »
Pollution, changement climatique, bruit et trafic sont quelques-uns des dommages sur l'environnement et la santé engendrés par le secteur des transports. Conscientes de ces enjeux, des entreprises se mobilisent pour proposer des alternatives aux flux classiques en misant sur l’intermodalité et l’interopérabilité des transports de marchandises. Nous avons rencontré SEDIS Logistics, entreprise tournaisienne qui a fait du développement durable une priorité depuis plusieurs années et qui propose des solutions alternatives pour ses clients.
Comment limiter ses émissions de gaz à effet de serre lorsque l’on importe ou expédie des marchandises des/aux quatre coins du monde ? L’AWEX a soulevé ce problème avec l’entreprise tournaisienne SEDIS Logistics, pionnière dans les solutions de trajets alternatifs pour les flux logistiques internationaux. Pour quels bénéfices pour l’environnement, les clients et la société en elle-même ? Geneviève Collard, Corporate Manager chez SEDIS a répondu à nos questions.
AWEX : Bonjour Geneviève. Pourriez-vous tout nous dire tout d’abord qui est SEDIS Logistics ?
Geneviève Collard : Nous sommes une entreprise spécialisée dans la gestion des flux Overseas maritimes et aériens en provenance d’Asie et de la Chine majoritairement, ainsi qu'avec l'ensemble de la distribution européenne. Nos activités principales sont le transport international, la douane, la logistique de cross-dock et de préparations de commandes, l’entreposage des marchandises de nos clients B2B puis la redistribution à destination de leurs propres clients, B2C ou B2B. Pour vous donner une idée de la taille de la société, nous avons un Payroll de 250 à 400 personnes réparties entre la Belgique, la France et la Chine et disposons de 11 sites (bureaux et entrepôts) qui nous permettent de nous occuper des marchandises que nos clients importent et/ou exportent partout à travers le monde. Nous avons commencé en 2001 à Mouscron puis l’entreprise a grandit et s’est installée à Blandain, près de Tournai. Tout récemment, 2020, nous venons de construire un nouvel entrepôt de 29 000m2.
AWEX : Pourquoi Tournai ? C’est un endroit stratégique ?
GC : Oui, il s’agit d’un carrefour régional stratégique à deux pas de la France. Il y a dans la région plusieurs plateformes logistiques et carrefours autoroutiers. En plus, la proximité immédiate des bases multimodales fluviales et ferroviaires donne un avantage pratique et économique aux entreprises spécialisées dans les flux logistiques. Et à l’échelle européenne, on peut même dire que nous sommes juste à côté d’Anvers, Zeebrugge, Rotterdam et de l’aéroport de Zaventem, un avantage donc. Nous avons aussi une filiale en France qui chapeaute nos activités avec les ports du Havre, de Dunkerque et de Marseille. Si notre clientèle est principalement française, notre réseau de distribution s’étend également en Allemagne, aux Pays-Bas et jusqu’en Pologne.
AWEX : Un emplacement de prédilection entre les principaux marchés de la Wallonie donc…
GC : Tout à fait. Voici une petite anecdote historique, mais qui a toute son importance pour nous : le Nord de la France est le bassin historique des marques de catalogues de vente par correspondance (La Redoute, 3 Suisses, Damart… pour ne pas les citer). Nous avons donc joué un rôle important dans la logistique de ces marques qui importaient une part non négligeable de produits de Chine (bijoux, petit électro, vêtements, goodies…), des flux pas encore aussi écrasants qu’aujourd’hui, mais suffisamment important pour nous permettre à l’époque de nous positionner sur ce créneau. Si aujourd’hui un nombre important de ces marques ont perdu en importance, voire ont carrément disparu, le boom de l’e-commerce nous a permis de nous adapter et de redévelopper nos services entre la Chine et l’Europe de l’Ouest.
Geneviève Collard, Manager Service Achat - vente chez SEDIS LOGISTICS
"Nous faisons du multimodal. Une fois les marchandises arrivées à Anvers, elles sont transportées par barge au terminal portuaire d’Avelgem, près de nos entrepôts. Avec ce genre de combinaison, nous diminuons la pollution générée par le transport routier de +/- 35%."
AWEX : Quelle est la spécificité des services SEDIS, celle qui vous différencie de la concurrence ?
GC : Nous faisons du sur mesure, un peu comme dans la haute couture (rires). Nous avons une relation client très pointue, nous nous adaptons à la spécificité et aux attentes de chacun d’entre eux. Transport, emballage, douane, communications, entreposage, nous faisons du ‘porte à porte’ si le client le souhaite. A la différence d’une société de transport ‘classique’, nous suivons la Supply Chain de bout en bout, c’est à dire de l’usine en Chine jusqu'à l’entrepôt de notre client, voire de son client à lui. Ce sont tout une série de soucis dont il ne doit pas s’occuper et il peut se concentrer sur ses propres produits et services. C’est important pour des sujets aussi complexes que la logistique internationale et toutes les règles spécifiques qui en découlent.
AWEX : Le secteur du transport est souvent pointé du doigt lorsque l’on parle développement durable ou environnement. Avez-vous déjà entrepris des mesures pour limiter l’empreinte carbone des flux logistiques de vos clients ?
GC : Cela fait des années que nous nous interrogeons sur l’impact environnemental et sociétal des activités de SEDIS. Nous avons progressivement entamé la transition durable de nos activités en travaillant sur 2 axes en parallèle.
Le premier, l’axe interne, concerne tout ce qui touche à nos infrastructures, personnel et nos activités au sein de la société. Pour vous donner un exemple, nous avons installé en 2013, 1820 panneaux photovoltaïques sur nos bâtiments. Ce sont déjà des installations à (petite) échelle industrielle qui couvrent une bonne partie de notre consommation énergétique. A côté de cela, nous avons mis en place toutes une série d’actions plus classiques, mais efficaces, relatives au tri des déchets, la récupération à la source des papiers, cartons, palette pour les recycler et les revaloriser. Toutes ces actions nous ont permis d’être détenteur du label EcoVadis, une preuve du sérieux de notre engagement structurel sur le long terme.
AWEX : A l’heure où le Gouvernement wallon lance son plan de promotion de l’économie circulaire, est-ce un enjeu qui vous parle ?
GC : Tout à fait, nous nous inscrivons même dans ce processus depuis des années, bien avant que ce thème ne soit mis en avant par les pouvoirs publics. Nous avons toujours privilégié la collaboration avec des fournisseurs locaux (sous-traitants, transporteurs et tractionnaires). En tant que grand consommateur de palettes, nous avons aussi mis en place un système de ‘pooling palette’ qui nous permet de faire des systèmes de rotations plus importantes avant de devoir les recycler ou les détruire.
Nous avons également participé au projet E-Cloud avec Idetta et Luminus, la première communauté industrielle d’énergie renouvelable en Wallonie, nous nous partageons plusieurs installations de production d’énergies renouvelables (éolien, photovoltaïques…) entre les entreprises du parc d’activité économique de Tournai Ouest. Chacun se partage et utilise les ressources de l'autre en fonction de ses propres besoins.
AWEX : Et au niveau de vos produits ? Comment prendre en compte le développement durable lorsque l’on est actif dans la logistique internationale ?
GC : C’est effectivement une question à laquelle nous avons longuement réfléchi et qui n’est pas évidente à répondre au premier abord. Cette réflexion correspond justement à notre deuxième axe d’intervention durable, l’axe produit. Nous avons donc développé une solution unique en son genre, le service Cargo Green Line, c’est-à-dire une solution de mode de transport intégrant dans chaque maillon de la Supply Chain des solutions plus respectueuses de l’environnement permettant de réduire l’empreinte carbone de ses activités logistiques et de recycler un maximum de consommables et d’emballages utilisés. Le service s'adresse aux flux d’importation gérés par SEDIS et originaires des principaux ports chinois, via notre plate-forme logistique cross-docking dédiée de Blandain.
AWEX : Et vos clients sont-ils sensibles à cette problématique ? Ce n’est pas un frein ?
GC : Ceux qui s’engagent avec Cargo Green Line le sont, c’est certain. Ils signent une charte qui définit de manière précise les imports concernés. Ils ne peuvent pas faire n'importe quoi, simplement pour se donner une bonne conscience. Ils s’engagent donc au maximum. S’ils ne voient que l’aspect ratio temps/argent, ça ne fonctionnera pas. Cargo Green Line n'est pas du tout plus cher qu'un service normal, mais un peu plus long (1 jour ou 2 en plus) qu’un flux classique. Mais comme le trajet est souvent anticipé par le client (stocks saisonniers), ce n’est pas un souci outre mesure.
AWEX : Et comment ça marche ?
GC : Dès le départ, le client peut définir si l’opération d’importation sera Cargo Green Line. Dès lors, SEDIS mettra en œuvre toutes les solutions de transport et de post-acheminement qui viendront réduire favorablement l’empreinte carbone. Il disposera donc d’alternatives comme le choix des Cies dernières générations ou le transport fluvial, à rebours des traditionnels cargo et camions routiers. Nous sommes réellement dans une solution intermodale qui privilégie l’interopérabilité entre les moyens de transports. Il peut également connaître, via notre portail dédié, les émissions carbones de chaque importation CGL et ainsi constater l’impact des transports les moins émetteurs en gaz à effet de serre.
AWEX : Comment vous appliquez cette intermodalité ?
GC : Nous savons que pour faire venir de la marchandise de Chine, le bateau reste le moins polluant (en termes d’émissions de CO2) même si ce moyen de transport est loin d’être irréprochable. Mais ramené à la tonne de marchandise transportée par rapport à la tonne de CO2 émise, le cargo reste la meilleure solution. Une fois que la marchandise arrive à Anvers, nous faisons faire du multimodal. Les marchandises sont transportées par barge jusqu'au terminal portuaire d’Avelgem, à quelques kilomètres de nos entrepôts. Avec ce genre de combinaison, nous diminuons drastiquement la pollution générée par le transport routier, de l’ordre de 35% en moyenne.
Et pour le reste des kilomètres à parcourir en camion, nous veillons avec nos partenaires, à l’utilisation de tracteur EURO 6 ainsi qu’à une sensibilisation à l’Eco-Driving.
AWEX : Est-ce que la prise en compte du développement durable peut faire la différence pour vous démarquer de la concurrence ?
GC : Au contraire. De plus en plus d’entreprises sont engagées dans une politique RSE avec du sens. Par conséquent, elles cherchent des moyens pour réduire leur impact et leurs émissions des GES à tous les niveaux, transport et logistique compris. Nous avons notamment constaté que les entreprises françaises sont particulièrement sensibles à ça, notamment depuis l'effet COP 2015 et les Accords de Paris. Nous offrons donc à nos clients la possibilité de s’impliquer à ce niveau et c'est un rouage supplémentaire pour les clients déjà sensibilisés (ex. dans le bio, l'artisanal...).
Nos solutions répondent surtout à des besoins de clients déjà chez nous, donc en leur proposant des solutions innovantes et d’actualités, disons que nous ne les perdons pas. Nous leur montrons par la même occasion que nous savons nous adapter aux enjeux actuels, que nous sommes fiables et cohérent avec les évolutions de la société. Mais bien sûr, notre volonté est également de rallier d’autres clients à ce challenge d’économie durable.
AWEX : Selon vous, les entreprises ont-elles un rôle à jouer dans la transition durable ?
GC : Bien entendu. Le secteur du transport est responsable d’une partie non négligeable des émissions de gaz à effet de serre, à la base du changement climatique. Il est important qu’il prenne sa part de responsabilité, d’autant plus qu’à l’heure de la globalisation, il est et restera incontournable. C’est important car le secteur du transport, comme les autres métiers doit évoluer constamment pour œuvrer au bien être de la société dans son ensemble.
Illustrations - SEDIS Logistics
Focus sur le projet E-Cloud
Ce projet, pionnier en Wallonie, repose sur un concept d'autoconsommation collective d'énergie. L'autoconsommation collective d'énergie est un concept à la fois écologique et solidaire, qui repose sur la création d'une communauté de consommateurs alimentés par plusieurs installations locales de production renouvelable. La base est le circuit court : la production et la consommation s'équilibrent directement dans une même zone d'activité économique. L'énergie est acheminée par le réseau de distribution public, accessible à tous. Aucun besoin donc de câbles privés entre voisins ou de micro-réseaux fermés, d'où l'absence d'investissements.
Le projet "e-Cloud" a été initié en 2017 par l'agence de développement territorial Ideta et le gestionnaire de réseau de distribution Ores. Il a été lancé dans le zoning de Tournai en juillet 2019. Pendant douze mois, 12 entreprises ont consommé et partagé de l'énergie provenant de panneaux solaires (d'une puissance totale de 400 kilowatts) et d'une éolienne (d'une puissance de 2,2 mégawatts) exploitée par "e-Nos Vents", une filiale commune à Ideta et Luminus.