Food & Drink Show : " Vendre au Royaume-Uni c'est l'occasion de s’essayer à la ‘grande exportation’ mais à côté de chez nous"
Alors que le Food & Drink Show bat son plein, nous avons eu l’occasion d’échanger avec le chocolatier Millésime, en pleine remontada sur le marché britannique et qui signera un important contrat de distribution lors de la mission princière belge à Londres en mai. Jean-Christophe Hubert, fondateur de Millésime, a échangé avec nous la recette de ses succès à l’export. En plus du cacao, celle-ci tiens en trois ingrédients : Wallonia Export (AWEX), Explort et un soupçon de piraterie. Rencontre.
Brexit ? Même pas peur ! Nous avons rencontré plusieurs entreprises wallonnes présentes avec Wallonia Export sur le salon Food & Drink de Birmingham. Alors que le Brexit semble avoir fait son bonhomme de chemin, les PME wallonnes sont encore nombreuses à n’avoir pas refranchi la Manche depuis, voire s’être désintéressées de ce marché pourtant proche, dynamique et résolument orienté business. Nous en avons discuté avec le chocolatier liégeois Jean-Christophe Hubert, présent ici avec sa marque de chocolat et de douceurs ‘Millésime’.
Wallonia Export : Bonjour Jean-François, pourriez-vous d’abord nous rappeler qui est Millésime ?
Jean-Christophe Hubert : Millésime Chocolat est une manufacture artisanale de chocolat basée à Liège et qui a pour spécialité de ne travailler directement qu’à partir des fèves de cacao d'origine biologique, importées de différentes régions du monde (ne passant donc pas par les principaux fournisseurs de cacao comme Barry Callebaut). Ce procédé est connu sous l'appellation : « De la fève à la tablette », appelé plus communément «Bean-to-Bar».
Nous ne travaillons qu’avec des fèves de cacao issues de plantations familiales ou de taille modeste, qui respectent l'environnement, le biotope naturel. Les fèves utilisées sont issues de cépages non modifiés respectant la génétique d'origine des cacaoyers, permettant une traçabilité totale entre les fèves et le chocolat fini. Millésime veille également à la rémunération équitable pour les planteurs et au refus du travail des enfants.
Afin de nous adapter aux nouvelles attentes de nos publics, nous commençons à présent à proposer des gammes de produits vegan, des produits gourmands et nous faisons aussi du private label (produit blanc) pour certains clients à l’étranger.
WE : Parlons export justement, où en est ‘Millésime’ dans sa stratégie de développement ?
JCH : Si nous avons d'abord débuté avec les marchés français et japonais, nous sommes actuellement représentés dans 25 pays différents. Grâce aux services de Wallonia Export (AWEX), nous avons pu participer à de nombreux salons situés aux quatre coins du monde : SIAL Canada, Biofach et l’Anuga en Allemagne, Gulfood à Dubai, le SIRHA en France… et maintenant le Food & Drink Show à Birmingham. C’est réellement une belle aide pour notre développement international.
WE : N’est-pas compliqué d’exporter quand on est une petite PME ?
JCH : Oui et non. C’est un autre métier, c’est sûr, fait de formulaires, de boîtes en cartons et de palettes, loin de notre core business. Ça demande donc d’acquérir de nouvelles compétences. Mais l’avantage pour les plus petites structures comme la nôtre, c’est que notre taille nous permet d’avoir un process plus souple, nous permettant de nous adapter facilement à des demandes dont les quantités restent encore limitées. Ici on parle de palettes mais pas encore de containers. Nous devons, dans tous les cas, rester très ouverts et flexibles, c’est indispensable.
WE : Vous avez des exemples de ces adaptations nécessaires ?
JCH : Par exemple, les suédois nous demandent une recette qui est propre à leur marché (pour les curieux, du chocolat blanc teinté de curcuma et fourré avec une pâte de mangue et de caramel-beurre salé, NDLR), les asiatiques sont très exigeants au niveau des informations nutritives, les anglais exigent que tout le packaging soit en anglais… Bref nous devons nous adapter pour chaque client, on s’habitue vite aux contraintes et aux tendances culturelles de chacun. Certains pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas privilégient le prix, d’autres la qualité comme en France, d’autres l’exclusivité. Les pays lointains insistent sur la mise en avant de l’origine belge. Ici en Angleterre, pays du chocolat industriel par excellence (Cadbury et, en partie, Barry Callebaut, pour ne pas les citer) c’est vraiment un mix de qualité et d’exclusivité qu’ils recherchent.
WE : Le food n’est-il pas plus difficile à exporter à cause des contraintes réglementaire autour des normes alimentaires ?
JCH : Oui c’est clair. La plupart des pays hors-Europe sont très exigeant sur les documents préalables à envoyer au niveau de la composition des produits, des allergènes, des provenances… De notre expérience, les japonais, les canadiens et les marocains sont les plus exigeants.
Jean-Christophe Hubert, fondateur de Millésime
« On n’est jamais prêt à 100% pour exporter, mais à un moment faut y aller. Il y a toujours une part de piraterie quand on se lance à l’export… Mais dans les bons sens du terme ! C'est le jeu de l'export »
WE : Et comment vous vous préparez à ces adaptations ?
JCH : On se renseigne tout simplement. En général, nos clients viennent déjà avec des attentes particulières, disposent déjà d’experts en interne qui analysent tout et nous fournissent les documents à remplir, les informations à présenter sur nos produits et qui, in fine, font le lien avec les autorités locales. Nous devons finalement seulement nous adapter au cas par cas, mais ça fait partie du jeu de l’export.
Il faut se dire que l'on n’est jamais prêt à 100% pour exporter, mais à un moment faut y aller. Quand je repense à nos premiers salons, on y est quand même allés en mode ‘pirates’. Maintenant nous avons plus l’habitude qu’avant, mais au début nous avons sûrement dû passer pour les petits jeunes, naïfs et peu expérimentés.
C’est important par contre, quelque soit votre interlocuteur, d’être honnête et transparent sur vos capacités de productions et de livraisons. On est parfois tenté de se 'sur-représenter' afin de vendre plus, mais in fine, si vous ne savez pas suivre, après, la situation peut devenir délicate. Dites à votre client qui vous êtes, quelles sont vos possibilités de croissance, de production, précisez que vous êtes novices dans l’exportation… La plupart des clients le comprennent et, au pire, s’ils ont besoin de plus, vous les reverrez plus tard. Il faut qu’il y ait un vrai échange transparent des deux parties.
WE : Revenons au Royaume-Uni. Comment avez-vous approché ce marché ?
JCH : Nous les avons approché grâce aux étudiants du programme wallon Explort. On a commencé à le développer avant la crise du covid19, mais comme nous n’avions pas de packaging en anglais et que tous les échanges se sont ralentis, nous avons mis à profit ce temps pour nous adapter et préparer une nouvelle mission sur le sol britannique pour une nouvelle étudiante Explort, Lise Laurent, qui gère d'ailleurs actuellement notre stand sur le salon Food & Drink. Grâce à son action, notre ancien distributeur, Sarunds nous a relancé et nous devrions signer un important contrat dans le cadre de la Mission princière belge au Royaume-Uni du mois de mai avec eux. Pour nous, tout s’est merveilleusement enchainé avec le marché britannique.
WE : Vous avez senti une différence dans votre manière de travailler avec les anglais depuis le BREXIT ?
JCH : Pas réellement. Il y a bien eu quelques inquiétudes au début, de la part des anglais. Pendant un moment, ils ne bougeaient plus vraiment, restaient en mode wait and see. Par contre cette situation nous a servi car plusieurs distributeurs anglais se sont retirés de pays européens. Le vide qu’ils ont laissé nous a permis de décrocher des contrats, en Suède par exemple. Mais après un an et demi de Brexit, les entreprises se sont adaptées et les affaires ont repris progressivement.
WE : Quelles sont, selon ton expérience, les spécificités de la business culture des anglais ?
JCH : Ici tout va très vite. Il faut venir avec un argumentaire et un speech bien préparés. Outre-manche, on a vraiment la culture du pitch. Ils ne prennent pas beaucoup de temps s’ils ne sont pas vite convaincus. Mais si vous parvenez à convaincre rapidement votre prospect, vous pouvez conclure un partenariat en deux coups de téléphone à peine ! C’est la culture anglo-saxonne.
WE : Et pour terminer, avez-vous un conseil à donner pour aborder le marché UK ?
JCH : Je recommande vivement les salons avec Wallonia Export, car c’est un bon partenaire pour se lancer une première fois et prospecter un marché étranger sans trop de risques.
Sinon pour le marché anglais, je dirai : N’ayez pas peur ! Mettez de côté tout ce que vous avez pu voir ou lire dans les médias il y a quelques années sur le Brexit. C’est devenu certes un peu plus complexe d’exporter là-bas, mais il n’y a pas non plus de mur de béton qui a été érigé au milieu de la Manche. Le Royaume-Uni reste un marché très ouvert au business et accessible aux PME wallonnes. Faites confiance à vos fournisseurs et vos clients. Ils vous aideront et ils connaissent le potentiel de vos produits à domicile, les contraintes locales, les dossiers à remplir… ça vaut pour tous les pays du monde et le Royaume-Uni n’échappe pas à la règle. Je dirais même que c’est une belle occasion pour s’essayer à la ‘grande exportation’ mais juste à côté de chez nous.
Et puis entre nous, en tant que PME active dans le food, je peux vous dire que remplir un dossier de douane anglais ça reste plus simple à remplir qu’un dossier de l'AFSCA (rires).
Focus sur le marché du chocolat au Royaume-Uni
En 2019, le Britannique moyen dépensait plus de 325 £ (+/- 390 €) pour du chocolat par an. Comme moi (et sans doute beaucoup de belges), le chocolat est considéré comme un achat essentiel lorsqu’les britanniques font leurs courses. 46 % déclarent en manger au moins une fois par jour. Avec la crise sanitaire, la consommation de chocolat a fortement augmenté et a été valorisée à 50 millions de £. Il y a également eu une augmentation de 20 % des achats de chocolats « premium » des marques de distributeur (Tesco Intense Dark Chocolate 85%, Sainsbury’s Taste The Difference Madagascan Dark Chocolate 80%, Lidl J.D. Gross Dark Chocolate 85%…), car les gens se sont adonnés à ce que The Grocer décrit comme self-treating at home ou « se faire plaisir à la maison », en raison du confinement.
Le marché du chocolat au Royaume-Uni est l’un des plus importants d’Europe. Le chocolat Cadbury est le plus populaire, même s’il n’est pas de très haute qualité par rapport aux standards belges. Le chocolat noir haut de gamme et le chocolat fin commencent à gagner en popularité outre-manche. Il y a une demande grandissante pour le bio, le végan, le sans-sucre et le sans gluten pour le chocolat qui peut s’expliquer par le fait que les consommateurs se tournent vers une consommation plus saine. En outre, en raison de la mise en avant de l’alimentation saine, cela a mené les fabricants à se tourner avec une pulpe de cacao naturelle plutôt que des additifs synthétiques.
On observe également que les consommateurs font plus attention à la transparence de la marque quant aux ingrédients contenus dans le chocolat. En outre, ils s’intéressent de plus en plus aux aspects environnementaux et sociaux de la production de cacao (la déforestation, la perte de biodiversité…).
Pendant et après le BREXIT, Wallonia Export est à vos côtés