Quel aura finalement été l’impact de la crise de la covid-19 sur le montant des exportations wallonnes ? S’il y a un chiffre à retenir, c’est le suivant : 47,3 milliards € d’exportations en 2020. Ce montant, bien que moins négatif qu’attendu, représente pour 2020 un recul de 5,3% par rapport à 2019. Sans surprise, ce taux de décroissance constitue le plus faible bilan annuel du commerce extérieur wallon depuis l’année 2009, année qui a suivi celle du déclenchement de la crise financière des « subprimes ». En 2009, l’ampleur du repli des exportations avait été trois fois plus important (-15,1%) qu’en 2020. Un bilan à relativiser et qui marque, selon les secteurs ou les zones géographiques, des résultats très contrastés. Explications et enseignements.

2020, un bon début avant l’arrivée du COVID qui s’installe jusqu’à la fin de l’année 

Après un 1^er trimestre 2020 qui a vu les exportations wallonnes enregistrer encore une augmentation appréciable de 6,5%, ces dernières ont finalement subi de plein fouet au 2^ème trimestre les conséquences de la pandémie mondiale en chutant de 13,0%.  La diminution des exportations wallonnes a été la plus significative lorsque l’économie mondiale a pratiquement été à l’arrêt en avril (-24,3%) et en mai (-12,9%) 2020.  Le contexte de confinement a considérablement réduit l’activité des entreprises wallonnes, d’une part sur la demande (dégradation des commandes internationales) et, d’autre part sur l’offre (interruption de la production chez les fournisseurs et immobilisation forcée des capacités de production et des forces de travail).

Suite à la levée progressive des mesures de confinement un peu partout en Europe, et l’amélioration des perspectives de croissance sur les marchés internationaux, les exportations wallonnes ont amorcé un redressement en juin et juillet en ne se repliant « que » de 3,0% sur ces deux mois. Toutefois, la tendance baissière s’est poursuivie au troisième trimestre (-7,0%) et quatrième trimestre (-7,3%) avec la recrudescence de la pandémie à l’automne, laquelle a amené de nombreux pays européens à rétablir des mesures de confinement qui ont miné les espoirs d’une relance pour les exportateurs wallons.

Où se situe la Wallonie par rapport à ses voisins ?

Selon l’OMC, les échanges internationaux de marchandises ont régressé de 7,4% en 2020. Une telle dégringolade du commerce à l’échelle de la planète ne s’était plus produite depuis 2009
(-22,7%). Les causes en sont la détérioration abrupte de la confiance des agents économiques et le choc brutal sur les activités de production et de consommation entraînés par les confinements et restrictions, principalement dans le groupe des pays dits avancés de l’OCDE. Le redémarrage rapide de l’économie chinoise et les mesures de soutien budgétaire d’une envergure sans précédent pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages et la viabilité des entreprises ont permis de fortement limiter les dommages économiques engendrés par le coronavirus. Cependant, malgré ces facteurs positifs et la réactivité des pouvoirs publics, le PIB mondial aurait reculé de 3,3% en 2020 selon le FMI, ce qui représente la contraction la plus sévère depuis la Seconde Guerre mondiale.

En dépit de leur baisse de régime, les résultats à l’exportation de la Wallonie en 2020 ont été moins mauvais que les scores enregistrés par les échanges extérieurs des régions européennes qui composent son panier habituel de comparaison (Flandre, Allemagne, Pays-Bas, France et Euro19).  Alors que le commerce extérieur wallon s’est replié de 5,3% en 2020, les exportations de ce panel de référents ont inscrit dans l’ensemble une régression moyenne de 9,2% l’année dernière. Sur un plan individuel, la Wallonie se positionne devant les résultats à l’exportation de la zone Euro19 qui a affiché une diminution de 9,0%, tandis que les taux de décroissance sont de 5,6% pour la Flandre, de 5,9% pour les Pays-Bas, de 9,3% pour l’Allemagne et de 15,9% pour la France.

FOCUS sur les secteurs impactés en 2020

La diminution des échanges extérieurs de la Wallonie en 2020 concerne la majorité des branches sectorielles, ce qui reflète l’étendue des retombées négatives de la pandémie sur les investissements des entreprises et la consommation des ménages. Seulement deux secteurs d’importance du top 10 wallon ont affiché des exportations en hausse l’année dernière.  Il s’agit des produits pharmaceutiques (+2,4%), qui progressent dans un contexte de la crise sanitaire mondiale, et du matériel de transport (+28,2%).

En ce qui concerne les produits pharmaceutiques, qui sont de loin son premier poste à l’exportation (36,6% du total wallon), ce sont les ventes de médicaments, avec une croissance de 17,6% en 2020 sur les marchés étrangers, qui sont responsables de leur bonne performance. En valeur absolue, les exportations wallonnes de médicaments en 2020 atteignent 7,1 milliards € (15,1% du total).

A l’opposé, les exportations de vaccins connaissent un recul de 5,8% en 2020 pour se situer à 9,7 milliards € (20,5% du total). Cette diminution est en grande partie due à un effet de seuil statistique, puisqu’elle se produit après l’expansion historique de 51,3% en 2019 des ventes wallonnes de vaccins qui avait permis de dépasser le palier de 10 milliards € exportés.

Quant au matériel de transport, l’évolution favorable de leurs exportations s'explique par l'accroissement des ventes de composants et accessoires de véhicules automobiles (+120,3%), notamment les boîtes de vitesse. Au sein de la filière du matériel de transport, cette prestation a compensé la chute historique en 2020 des exportations de matériel de navigation aérospatiale (-30,1%), lesquelles ont été sévèrement touchées par les mesures de restriction limitant les déplacements en transport aérien.

Parmi les rares autres secteurs qui inscrivent une progression de leurs exportations en 2020, il faut souligner les matières textiles (+9,3%), notamment les textiles à usage médical, et les produits du règne végétal (+1,1%).

A l’inverse, les exportations de tous les autres secteurs d’importance en Wallonie sont en net recul par rapport à 2019. Les secteurs les plus durement affectés ont été les machines et équipements (-10,3%), les matières plastiques (-12,1%), les métaux communs et ouvrages en ces métaux (-18,2%), les produits minéraux (-19,4%), les instruments de contrôle et de précision (-20,9%) et les ouvrages en verre, ciment, pierre et céramique (-23,7%).  Il s’agit dans l’ensemble de secteurs de fabrication de biens intermédiaires qui ont tous été particulièrement ébranlés par la pandémie, laquelle a eu comme impact d’affaiblir la demande industrielle au niveau européen et mondial en entraînant des retards/annulations des investissements productifs des entreprises et des réductions/arrêts de production.

Parmi les autres secteurs d’importance en Wallonie, le repli des exportations de produits alimentaires et boissons a été moins sévère (-4,6%) en 2020. Bien que touchée par la fermeture de l’Horeca et un comportement de consommation locale dans certains marchés comme la France, l’industrie agroalimentaire wallonne a maintenu un rythme d’activité pendant la crise sanitaire en tant que secteur reconnu comme essentiel.  Il en résulte que les exportations agroalimentaires wallonnes, ont pu retrouver fin 2020 des niveaux équivalents à ceux affichés un an auparavant.

Les ventes de la Wallonie ont reculé en 2020 dans presque tous les pays de la zone Euro19 (-3,2%) et de l’UE27 (-3,1%), ce qui n’était pas arrivé depuis la crise financière de 2009. Cela témoigne du caractère profond de l’impact de l’épidémie de coronavirus sur les économies européennes en 2020. Selon Eurostat, sur l’ensemble de l’année 2020, les PIB de la zone Euro19 et de l’UE27 ont chuté respectivement de 6,8% et de 6,1% qui sont des niveaux de décroissance nettement plus prononcés que lors de la récession de 2009 (-4,5% et -4,2%).

Les livraisons wallonnes à destination des pays de la zone UE27 représentaient 67,1% du total des exportations wallonnes (31,8 milliards €) en 2020.  Ce sont principalement la France (-5,7%), l’Allemagne (-4,7%), l’Italie (-4,4%), la Pologne (-4,1%) et le Luxembourg (-14,1%) qui concernent le repli de nos exportations au sein de l’UE27.

Parmi le top 10 de nos partenaires commerciaux européens, seuls l’Espagne (+16,4%) et les Pays-Bas (+0,4%) sont à contre-courant de ce reflux généralisé, ce qui découle de l’évolution très favorable des ventes de produits pharmaceutiques et de matériel de transport sur ces deux marchés. Ailleurs dans la zone UE27, il faut aussi remarquer des performances positives en Hongrie (+5,9%), en Roumanie (+5,0%) et au Danemark (+3,5%).

En Europe hors zone UE, les exportations ont augmenté vers la Suisse (+44,8%), la Serbie (+27,2%) et la Norvège (+15,9%). Ces ventes en progression concernent à nouveaux les produits pharmaceutiques (+160%) qui représentent plus de 50% du total sur ces marché. Quant aux autres pays européens hors UE27, les livraisons wallonnes sont en net recul en Russie (-21,5%) et au Royaume-Uni (-18,1%) qui ne fait plus partie de l’UE depuis janvier 2020.

Après deux années d’expansion record en 2018 (+53,9%) et en 2019 (+81,5%), nos exportations se sont inscrites en recul aux Etats-Unis en 2020 (-10,2%). Ce fléchissement sur le marché américain est tributaire du repli des ventes de vaccins (-23,5%) qui représentent 57% du total, ainsi que celui des machines et équipements (-40,0% et 7,0% du total).  Malgré ce bilan négatif, les Etats-Unis occupent toujours en 2020 le troisième rang dans le classement de nos plus importants partenaires commerciaux (13,6% du total des exportations), juste derrière l’Allemagne (14,8%) et la France (19,9%).

En ce qui concerne l’Amérique latine, les exportations wallonnes y connaissent une sévère reculade en 2020 (-26,4%), ce qui est la plus forte diminution depuis la récession mondiale de 2009 (-29,3%). Une des principales raisons est liée au fait que les pays d’Amérique latine ont été les plus durement secoués par la crise sanitaire parmi les pays émergents. Ces pays ont encore beaucoup de difficultés à maîtriser la pandémie et leur position budgétaire est très vulnérable. Ces facteurs sont responsables de la chute sensible des exportations wallonnes vers tous ses plus importants partenaires commerciaux que sont le Brésil (-27,9%), l’Argentine (-46,6%), la Colombie (-48,0%), le Mexique (-13,7%) et le Chili (-13,6%).

L’Extrême-Orient est la seule partie du globe où les exportations progressent en 2020 avec une expansion de 6,9%. L’explication réside dans le fait que les pays émergents de cette région ont été relativement moins affectés par le coronavirus, en regagnant rapidement le chemin de la reprise grâce à la résistance de l’économie chinoise. Toutes les autres économies d’Extrême-Orient ont bénéficié de cette remise en marche de l’activité chinoise.

L’enrayement rapide de l’épidémie de coronavirus en Chine a permis à nos exportations d’y augmenter de 32,9% en 2020, préservant ainsi leur haut niveau de croissance de l’année 2019 (+32,5%). La Chine reste de loin notre premier partenaire commercial asiatique en accaparant 27% du total des ventes wallonnes vers ce continent.  Les principaux produits responsables de cette forte progression sur le marché chinois sont les produits pharmaceutiques (+108,7% et 57,6% du total) et les produits agroalimentaires (+10,1% et 6,6% du total).

En ce qui concerne le Proche et Moyen-Orient, les exportations wallonnes y ont connu l’année dernière une dégringolade de 34,1%, leur recul le plus significatif depuis 2009 (-31,2%). L’impact négatif de la pandémie sur les économies des pays producteurs de pétrole a généré une forte réduction de la demande pour les produits pétroliers. Les exportations vers nos trois plus importants partenaires commerciaux dans cette zone ont enregistré des diminutions substantielles, soit l’Arabie Saoudite (-45,3%), les Emirats Arabes Unis (-45,4%) et Israël (-34,6%).

Suite à une année de reprise en 2019 pour les exportations wallonnes en Afrique du Nord (+20,3%) et en Afrique subsaharienne (+12,5%), celles-ci repartent à la baisse en 2020. Elles chutent de 7,3% en Afrique du Nord, ce qui est le reflet de leur recul au Maroc (-16,1%), en Tunisie (-19,2%) et en Libye (-33,5%).  A l’opposé, les ventes wallonnes ont augmenté de 27,0% en Egypte et de 4,4% en Algérie.

Quant à l’Afrique subsaharienne, nos exportations y inscrivent en 2020 un repli de 10,8%. Ce constat est principalement tributaire de la contraction de nos livraisons en Afrique du Sud (-17,4%), en République démocratique du Congo (-39,7%)... 

A l’inverse, la Wallonie observe un bilan positif de ses ventes en Ethiopie (+37,3%), au Sénégal (+36,8%), au Kenya (+35,1%) et en Côte-d’Ivoire (+32,1%).