Etats-Unis : le Buy American Act sous l’Administration Biden
Décret exécutif 14005 du président Biden : BUY AMERICAN ACT
Depuis près de 80 ans, les achats publics fédéraux américains sont régis par le BUY AMERICAN ACT aussi appelé loi 1933 en référence à sa date de création. Le BAA, dans son essence, peut être considéré comme une loi de préférence nationale puisqu’il impose aux autorités fédérales américaine de donner un avantage compétitif aux produits « américains ».
Pour pouvoir être en accord avec le BAA (BAA compliant) un produit intégrant des achats publics doit, en effet, être manufacturé aux USA et le coût de ses composants américains doit être d’au moins 50 %. Cette règle ne concerne pas les articles : « Commercially Available Off-the-Shell » ou plus généralement appelés COTS. Il s’agit ici essentiellement de petits items comme des systèmes d’attaches par exemple (à savoir des écrous, boulons, goupilles, rivets, clous et vis).
Le BAA n’exclut toutefois pas les produits étrangers, mais ceux-ci sont « alourdis » d’une pénalité financière lors de leur évaluation. En compétition avec un article produit par une grande entreprise US, le prix est grevé de 6 %. Par contre si le fournisseur US est considéré comme une petite entreprise (Small Business), la pénalité s’élève alors à 12 %. Pour les commandes passées par le département de la défense (DoD), la pénalité s’élève à 50 %.
Décret exécutif 13881 du président Trump
Maximizing Use of American-Made Goods, Products and Materials, c’est en ces termes clairs qu’est énoncé le décret 13881 mis en application le 19 janvier dernier.
Que va changer la mise en œuvre du décret exécutif 13881 du président Trump ?
1) Augmentation de 50 à 55 % de la quantité requise de composants américains pour les produits finis manufacturés ou les matériaux de construction.
2) Augmentation de 50% à 95% de la quantité requise de composants américains pour les produits finis ou les matériaux de construction constitués entièrement ou principalement de fer ou d'acier, ou d'une combinaison des deux. Ces produits ne doivent donc pas contenir plus de 5% de fer ou d'acier étranger.
3) Aggravation de la pénalité de prix pour les produits étrangers dans le cadre des achats publics fédéraux. Celle-ci passant de 12% à 30% pour les petites entreprises et de 6% à 20% pour les grandes entreprises. Dans le cadre du ministère de la défense, il est à noter que la pénalité de prix reste à 50% toutes catégories confondues.
Quelques cas de figure pour illustrer les nouvelles exigences relatives au fer et à l'acier :
- Une poutre en acier : considérons que cette poutre en acier soit entièrement constituée d'acier. Le coût de tous les matériaux de la poutre, exceptés ceux de la fabrication finale, des frais généraux et des bénéfices, est de 50 $. Si le coût des plaques d'acier étrangères utilisées pour fabriquer la poutre est égal ou supérieur à 2,50 $ (soit 5% du coût de tous les composants utilisés dans le produit), alors la poutre entière est considérée comme un matériau de construction étranger.
- Un réfrigérateur : Un réfrigérateur coûte 2 000 $ et le coût de tous les composants du réfrigérateur est de 1 000 $. Si le coût des plaques d'acier ou d'autres produits métalliques (à l'exclusion des attaches COTS) utilisés dans la fabrication du réfrigérateur ne dépasse pas 500 $ (soit 50% du coût total de tous les composants), alors on considère que le réfrigérateur n’est pas composé principalement d'acier.
- Un coffre-fort en acier : Un coffre-fort coûte 1 000 $ et le coût de tous les composants du coffre-fort est de 500 $. Si le coût des plaques d'acier ou d'autres produits de l'aciérie (à l'exception des attaches COTS) utilisés dans la fabrication du coffre-fort dépasse 250 $ (soit 50% du coût total de tous les composants), alors le coffre-fort se compose principalement d’acier. Si le coût des produits étrangers en fer ou en acier (tels que des barres, billettes, brames, fils, tôles ou feuilles), des pièces moulées ou des pièces forgées utilisées dans la fabrication du coffre-fort (à l'exclusion des attaches COTS) est inférieur à 25 $ (soit 5% du coût de tous les composants utilisés dans le produit), alors le coffre-fort est considéré comme un produit final américain.
Décret exécutif 14005 du président Biden
Même si tout oppose Donald Trump et Joe Biden, il est un dossier sur lequel les deux hommes semblent être sur la même longueur d’onde et il s’agit de celui du nationalisme économique.
En effet, le leitmotiv du décret exécutif 14005 du président Biden est le suivant : « Ensuring the Future is Made in All of America by All of America’s Workers » c’est-à-dire s’assurer qu’à l’avenir tous les produits américains soient fabriqués aux Etats-Unis, par des travailleurs américains. Ce décret exécutif utilise le terme « Made in America » plutôt que « Buy America/American » utilisé auparavant.
Ce « Made in America » oblige les fabricants à respecter la norme « tout ou presque » s’ils veulent promouvoir leurs produits comme étant « Made in USA ». Cela diffère donc des diverses lois nationales préférentielles (comme par exemple le BAA) que la plupart des entrepreneurs en affaire avec le gouvernement ont l’habitude de voir dans leurs contrats.
De plus, ce décret exécutif requiert de remplacer le test du coût des composants par un test qui mesure le contenu américain d’un produit en fonction de la valeur ajoutée au produit, eu regard à la production sur le territoire des États-Unis ou à l'activité économique américaine créatrice d’emploi.
Finalement, ce nouveau décret ne modifie pas la loi sur les accords commerciaux (TAA).
Par conséquent, les achats couverts par ces accords (généralement les achats pour des fournitures d'une valeur supérieure à 182.000 $ et la construction d'une valeur supérieure à 7.008.000 $) ne seront pas touchés.
Conclusion
Pour les entreprises américaines qui prévoient de répondre aux appels d’offres des marchés publics américains assujettis au « Buy American Act », il est important de s’assurer que leurs produits satisfont aux nouvelles exigences gouvernementales c’est-à-dire 95% de composants américains pour les produits finis en fer et en acier et 55% pour tout le reste.
Pour les entreprises étrangères, celles-ci courent le risque de voir leurs commandes affectées par ces nouveaux règlements puisque la part américaine des composants est revue à la hausse et que donc les fabricants pourraient, s’ils l’estiment nécessaires, se tourner vers des fournisseurs locaux.
Ces nouvelles règlementations risquent de poser (à court terme) un véritable casse-tête pour de nombreux opérateurs US qui devront réévaluer l’apport étranger dans la fabrication de leur produit, et éventuellement revoir leur chaine de valeur et leur chaine d’approvisionnement.
AWEX Washington,Avril 2021
Sources : lexology.com, mondaq.com, STR Trade news, agc.org, winvale.com, whitehouse.gov, bloomberg.com, …