Conjoncture économique
Contexte général
L'Arabie Saoudite est la première puissance économique du Moyen-Orient et le plus riche pays arabe. La politique de grands travaux menés par le gouvernement ainsi que les investissements directs étrangers et la solidité du système bancaire et financier ont permis à ce pays de devenir la 1ère économie régionale et la 19e mondiale.
La pandémie de Covid-19 n’a pas épargné les Etats du Golfe mais l’Arabie Saoudite a pu sortir son épingle du jeu en faisant preuve de rigueur et d’agilité. Même si la crise sanitaire a largement perturbé le calendrier des réformes, le pays s’est montré créatif en utilisant les outils digitaux à sa disposition et en saisissant l’opportunité qu’offre la remise en cause des fondements traditionnels de l’économie pour pousser les investissements dans les secteurs innovants comme le veut la feuille de route Vision 2030 emmenée par le jeune prince héritier Mohammed bin Salman. Pour la première fois dans son histoire, l’Arabie Saoudite connaît donc une période de changements socio-économiques jamais vu auparavant. Le plan Vision 2030 vise sur la diversification de l’économie pour la sevrer de sa dépendance au pétrole. Un potentiel formidable se dessine dans de nombreux secteurs accompagnés par un relâchement des mesures sociétales conservatrices qui caractérisaient autrefois le royaume : tourisme, divertissement, cinéma, sports, restauration ou encore musique. Toutefois, l’économie du royaume reste encore presque entièrement basée sur le pétrole et la crise de la Covid a conduit à un ralentissement de la croissance (-4.1% du PIB en 2020 selon The Economist Intelligence Unit).
Le niveau de vie est un des plus élevés de la région avec un PIB/habitant de plus de 20.000 USD. En 2021, l’Arabie Saoudite devrait enregistrer un taux de croissance de 2.2% puis un rebond à 3.6% l’année suivante. Le pays est tout de même marqué par de fortes inégalités et un taux de chômage de 12% en moyenne, affectant surtout les jeunes et les femmes.
L'agriculture, la pêche et la foresterie représente 2,5% du PIB du pays et emploie près de 5% de la population active. C'est un secteur peu productif malgré les investissements massifs de l'Etat. L'Arabie Saoudite, de par les contraintes géographiques et climatiques pesant sur son relief (sécheresse), importe la majeure partie de ses besoins en produits agricoles et agroalimentaires (environ 80%). La pénurie d’eau est une problématique régionale sérieuse.
Le secteur industriel représente 40% du PIB. Il est dominé par les activités non manufacturières (extraction du pétrole). Le pays possède les plus importantes réserves pétrolières du monde (17%) et c’est également le plus grand producteur et exportateur de pétrole. Le pétrole compte pour un peu moins de 90% des exportations de l’Arabie Saoudite et près de 80% des revenus du gouvernement. La part du secteur industriel hors pétrole est en train de croître en raison des investissements de l'Etat saoudien pour la diversification de l'économie.Enfin, les services représentent 56,7% du PIB et emploient une grande majorité de la population. Ce secteur est surtout dominé par le tourisme, les services financiers et bancaires, ainsi que l’assurance. Le tourisme génère des revenus très importants (près 8 millions de touristes par an), pour l’heure exclusivement grâce au pèlerinage à la Mecque mais les giga et méga-projets que sont par exemple NEOM, RED SEA ou encore QIDDIYA visent justement à faire du tourisme un des piliers de l’économie future du pays en attirant d’ici 2030 près de 100 millions de visiteurs internationaux chaque année, un chiffre illusoire mais représentatif de la volonté des autorités.
Défis
Les autorités saoudiennes font face à de nombreux défis et les réponses à ceux-ci influencent directement la vie des entreprises. Il est donc important de les rappeler.
Outre l’annulation ou le report de nombreux projets, de nombreuses mesures, parfois impopulaires, ont été prises afin de réduire le déficit public (2% du PIB en 2021) et la dette publique (36.8% en 2021). C’est notamment le cas de la TVA introduite en 2018 et passée à 15% en 2020. Les prix de l’essence, l’électricité et l’eau, fortement subsidiés par les autorités, ont également été augmentés.
L’emploi représente également un autre défi pour l’Arabie Saoudite. La population saoudienne est très jeune (65% de la population a moins de 35 ans) et le chômage est élevé (12%). Afin de faire face, les autorités ont donc mis en place en 2011 un système (Nitaqat) visant à augmenter le taux de « saoudisation » dans les entreprises. En résumé, ce système simplifie la vie administrative des entreprises qui respectent les quotas d’employés saoudiens. Il est à noter que ces quotas varient en fonction des secteurs (exemple : peu de saoudiens dans la construction, beaucoup dans la finance). A ce sujet, notons que certains secteurs comme la téléphonie mobile ou le commerce de détail connaissent des transformations profondes et emploient aujourd’hui majoritairement des Saoudiens, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Par ailleurs, le rôle que la femme a à jouer dans la lutte contre le chômage est crucial : représentant 42% de la population, la gente féminine est la clef d’une société active et d’une économie diversifiée florissantes étant donné les restrictions à l’embauche qui prévalaient auparavant. D’ailleurs, la loi parue en août 2019 visant à mettre fin aux discriminations de genre a largement contribué à l’augmentation de la présence des femmes dans la population active. Enfin, comme présenté plus haut, l’Arabie Saoudite doit diversifier son économie afin de ne plus dépendre autant du pétrole et des revenus qu’elle en tire. La vision 2030 et le programme de transformation national visent évidemment à atteindre cet objectif le plus rapidement possible. Elle est articulée autour de trois axes principaux : une économie florissante, une société animée et une nation ambitieuse. Selon ce plan, le secteur privé devrait ainsi augmenter sa contribution au PIB saoudien de 40% à 60% en 2030.
Le pilier économique de la Saudi Vision 2030 est structuré autour des programmes : (1) d’équilibre des finances publiques, (2) de développement du secteur financier, (3) de diversification des investissements dans l’économie nationale par le fonds souverain, Public Investment Fund, (4) de privatisations et de développement des partenariats public-privé, (5) de développement du potentiel industriel par les incitations à la localisation de production manufacturière, (6) de promotion des entreprises nationales et (7) programme de construction de logements. Autre signe de cette mue économique, la transformation d’Aramco. La plus grande société pétrolière au monde investit massivement dans les nouvelles technologies (CCU, batteries, hydrogène, matériaux non métalliques, etc.), les énergies renouvelables et affirme son rôle prépondérant de leader du raffinage et transformation du pétrole en hydrocarbures (downstream) en rachetant l’entreprise chimique SABIC. Qui plus est, l’annonce faite en 2016, d’ouvrir 5% du capital del’entreprise. . Bien que retardée de trois ans, cette entrée en bourse n’a pour l’instant concerné que 1,7% du capital de l’entreprise pour un montant total de 26 milliards de dollars US, portant hypothétiquement la valeur de la société à 1700 milliards de dollars, loin derrière les 2000 milliards espérés par le prince héritier mais battant tout de même le record de la capitalisation la plus chère au monde. Un pourcent supplémentaire devrait faire l’objet d’une nouvelle introduction en bourse prochainement. Les moyens dégagés ont été investis dans le fonds public d’investissement (Public Investment Fund), véritable bras financier du Royaume et moteur de la diversification, comme le prouve les placements du fonds dans des secteurs de pointe tel que la voiture électrique (Lucid Motors), la santé connectée (Multiplan) ou même le divertissement (Live Nation).
A terme, le Fonds d'investissement public s’érigera comme le plus grand fonds souverain du monde – en prévoyant d’amasser plus de 1000 milliards de dollars US – et l'un des principaux piliers de la Vision 2030 du Royaume. L’objectif est d’augmenter la contribution du secteur privé à l’économie (la contribution des PME au PIB devrait passer de 20 à 35% d’ici 2030) et financer des secteurs d’avenir, en injectant pas moins de 150 milliards dans l'économie Saoudienne chaque année jusqu'en 2025 pour faire porter à 70% le contenu local dans le fonds. C’est aussi le sens de l'initiative Shareek (« partenaire ») destinée à inciter certaines des plus grandes entreprises à investir près d’1,3 milliard de dollars localement d'ici 2030. Le programme vise enfin à créer plus de 1,8 million d'emplois cumulés d'ici 2025.
Situation économique actuelle
Puisque les hydrocarbures constituent évidemment toujours la plus importante part de l’économie (près de 80% des recettes de l’Etat et 40% du PIB) et au vu de la baisse des recettes pétrolières, le Ministère des Finances saoudien avait annoncé une récession de 4.1% en 2020, aggravé par la crise de la Covid. Cela dit, grâce aux investissements colossaux engagés dans les secteurs hors pétrole, le rebond attendu pour 2021 devrait s’établir à 2.2%. Le renforcement du secteur non pétrolier a compensé en partie les difficultés rencontrées par le secteur pétrolier, l'inflation ayant bondi à 3.4% en 2020, après être tombé à -2.1% l’année précédente. Malgré les stimuli impressionnants fournis par le pouvoir central pour lutter contre les effets néfastes des confinements successifs en 2020 et 2021, 2022 laisse entrevoir une sortie de la crise sanitaire et économique pour l’économie Saoudienne avec une population vaccinée à plus de 70% fin 2021 et un rebond du PIB prévu l’an prochain à 3.6%. Un budget de 61 milliards de dollars (240 milliards de riyals) avait en effet été débloqué pour atténuer les effets de la crise. Le gouvernement avait notamment annoncé un programme de soutien au secteur privé, et plus particulièrement aux PME, de 18,7 milliards de dollars (70 milliards de riyals saoudiens) octroyés proportionnellement à leur degré d’exposition à la pandémie. Il est notamment question d’exemptions fiscales et de report de cotisations pour les entreprises. Riyad avait également débloqué une enveloppe de 13,3 milliards de dollars allouée aux entités publiques pour leur permettre de payer leurs échéances vis-à-vis des opérateurs privés en temps et en heure. Tandis que le ministère des Finances avait mis en place une assurance chômage extraordinaire destinée à couvrir 60% des salaires des ouvriers du secteur privé.
Après la chute du prix du pétrole en 2020 sur fond de confinement généralisé, les cours sont repartis à la hausse en 2021 et devraient se maintenir à des niveaux relativement élevés en 2022 boostés par la reprise économique mondiale, augurant ainsi d’une poursuite sereine des mesures de diversification engagées par le pouvoir central. Au vu de ces évolutions, le déficit budgétaire devrait diminuer chaque année pour n’atteindre plus que 0.4% du PIB en 2023, porté par un effort de gestion budgétaire de la part des pouvoirs publics. Les revenus de l’Etat ont augmenté de 10.3% par rapport à l'exercice 2020 pour atteindre 849 milliards de SAR et devraient croître à 928 milliards d’ici 2023. Autre éclaircie, la TVA devrait être abaissée également, présageant un soulagement pour la population Saoudienne qui avait exprimé son mécontentement sur les réseaux sociaux à l’annonce du passage à 15%. Enfin, la reprise du pèlerinage en masse pour les croyants vaccinés se poursuit avec une augmentation du plafond pour le l’Omrah à 70 000 pèlerins par jour, soit une capacité mensuelle de 2.1 millions, renouant ainsi avec les niveaux d’avant la crise.
Selon le directeur de Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale, la production de gaz naturel devrait presque doubler au cours de la prochaine décennie et celle de pétrole sera porté à 13 millions de barils jour contre 12 aujourd’hui. La croissance économique sera également soutenue par la reprise des travaux de plusieurs grands projets d'infrastructure. Bien que certains projets devront probablement être revus à la baisse (comme les plans trop ambitieux pour Neom, une toute nouvelle smart city), il y aura néanmoins d'importantes opportunités pour les investisseurs et entrepreneurs étrangers à mesure que l'activité de construction s'accélèrera. Par ailleurs, la volonté des autorités saoudiennes de développer une importante capacité de production, notamment dans les secteurs de la défense et des produits pharmaceutiques, va être confrontée à un certain nombre de contraintes, notamment la pénurie de main d’œuvre qualifiée locale.
Relations commerciales de l'Arabie Saoudite
L’Arabie Saoudite est le 26ème plus gros exportateur de biens et le 32ème plus gros marché d’importation du monde. Le commerce extérieur représente 50,60% de son PIB (2020). La balance commerciale du pays, structurellement excédentaire, fluctue en fonction des cours pétroliers et de la demande mondiale.
Les principaux partenaires à l'exportation de l'Arabie Saoudite sont la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud. Les principaux partenaires à l'importation sont la Chine, les Emirats arabes unis, les Etats-Unis, et l’Allemagne. Le pays exporte essentiellement des hydrocarbures et importe principalement des véhicules, des équipements de télédiffusion, des hydrocarbures, des médicaments et des téléphones.
Pour promouvoir le commerce international, attirer des investissements étrangers et diversifier les secteurs non-pétroliers, le gouvernement a lancé le projet d’établissement de 7 "zones économiques spéciales" dans différentes régions du pays, en commençant par la capitale Riyad.
Ces « free-zones » bénéficieront d’un régime de taxation à part entière et proposeront des incentives fiscales considérables (suspension de l’impôt sur les sociétés durant 50 ans, levée temporaire de l’obligation de saoudisation, tarifs préférentiels pour la location d’espace commercial et le paiement des consommables, etc.). Toutes ces évolutions s’inscrivent dans une tendance de fond visant à positionner l’Arabie au centre de son espace régional et plus loin, en l’érigeant en véritable pôle économique et industriel mondial. Ainsi, Riyad essaye de rattraper son retard sur son éternel concurrent et mieux-faisant voisin émirati en tentant de capter les flux de capitaux étrangers vers le Golfe. C’est là toute la teneur de la mesure RHQ 2024 visant à obliger les firmes étrangères souhaitant passer des contrats avec les agences publiques du Royaume à installer leur siège régional en Arabie d’ici au 1er janvier 2024.
Le message a déjà été entendu par de nombreux pays européens qui n’ont pas hésité à envoyer leurs plus hauts émissaires à Riyad dans le cadre de visites officielles accompagnées de délégations d’entreprises comme en témoignent les nombreuses visites récentes effectuées par nos voisins :
- Janvier 2021: visite de l’ancien Premier Ministre italien lors du forum annuel sur l’investissement (« Davos du Désert ») pour un entretien avec MBS ;
- Février 2021: visite du Ministre des Affaires étrangères espagnol qui s’est notamment entretenu avec les Ministres Saoudiens du Commerce et de l’Investissement ;
- Avril 2021: visite du Ministre français du Commerce Extérieur accompagnée de 40 entreprises du MEDEF International et suivie de la signature à Paris de l'accord de coopération entre Business France et le ministère de l'Investissement saoudien (MISA);
- Septembre 2021: visite du Ministre tchèque des Affaires étrangères accompagné d’une délégation de 20 entreprises de la Confédération tchèque de l’Industrie ;
- Septembre 2021: visite du Ministre des Affaires étrangères autrichien suivie d’une délégation de la Chambre économique fédérale ;
Sans oublier la suprématie incontestable de certains pays grâce à leur lobbying intense dans des secteurs ou projets cruciaux comme le prouvent la présence d’entreprises ou expatriés hollandais, anglais et bien sûr américains omniprésents dans le domaine de l’énergie, le recyclage, la logistique ou même le métro de Riyadh.