La non-conformité d'une marchandise et la charge de la preuve
La Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, dont les pays signataires représentent environ 75 % du commerce international mondial, a pour vocation d’uniformiser le droit de la vente au niveau international. Toutes les questions qui se posent lors d’une vente internationale de marchandises ne sont néanmoins pas couvertes par ce régime uniforme. C’est notamment le cas pour la charge de la preuve. Dans une telle hypothèse, il convient de rester attentif aux solutions dégagées par les cours et tribunaux d’autres pays.
La principale obligation du vendeur en vertu de la Convention de Vienne consiste à livrer des marchandises dont la quantité, la qualité, et le type correspondent à ce qui est prévu dans le contrat. Ainsi, la marchandise ne sera pas réputée conforme si elle ne peut pas servir à l’usage qui lui est destiné. Cet usage peut être soit l’usage auquel servent habituellement les marchandises de ce type, soit l’usage spécifique que l’acheteur entend donner à la marchandise et dont le vendeur a été informé au moment de la conclusion du contrat.
Est-ce l’acheteur ou le vendeur qui porte le fardeau?
Lorsqu’un débat survient sur la question de la conformité de la marchandise, à qui revient-il de prouver que cette marchandise peut ou ne peut pas servir à l’usage qui lui est destiné?
La solution n’est pas encore tout à fait tranchée au niveau mondial. Alors que certains juges ont estimé que la question devait être résolue par référence aux règles nationales de procédure, d’autres ont identifié dans la Convention de Vienne un principe général en vertu duquel il appartient à la partie qui invoque un fait de prouver la réalité de ce fait. Sur la base de cette théorie, l’acheteur mécontent aura la charge de démontrer que les marchandises livrées ne sont pas conformes. Inversement, le vendeur impayé pourrait avoir à prouver la conformité des marchandises avant d’obtenir la condamnation de l’acheteur à lui payer le prix de vente.
Un cas d’application récent en France : c’est à l’acheteur d’apporter les preuves
Le différend opposait un acheteur français à un vendeur allemand au sujet de la vente d’un centre d’usinage pour la fabrication d’escaliers. Malgré de multiples interventions des techniciens du vendeur, la machine restait affectée de plusieurs dysfonctionnements. Constatant que la machine ne permettait pas de répondre aux exigences de l’acheteur, le vendeur a ensuite proposé son remplacement par un autre modèle plus performant, moyennant le paiement d’une soulte. L’acheteur a refusé et assigné le vendeur en résolution du contrat de vente.
La Cour d’appel d’Agen et la Cour de cassation ont observé que l’acheteur ne produisait aucun avis technique établi en présence de l’acheteur et du vendeur, ni aucun autre document permettant d’établir que la machine vendue n’était pas conforme à l’usage auquel elle était destinée. Les juridictions françaises ont également retenu que le vendeur n’avait pas connaissance, lors de la conclusion du contrat de vente, des exigences particulières de l’acheteur qui se trouvaient être une des causes des dysfonctionnements de la machine.
En conséquence, les demandes de l’acheteur tendant à voir le contrat de vente annulé et à obtenir une indemnisation ont été rejetées.
En cas de contestation sur la conformité de marchandises, il est recommandé de faire établir dans les meilleurs délais des rapports techniques. Si ces rapports sont unilatéraux, ils n’auront qu’une force probante réduite. Il est donc important d’obtenir la participation de toutes les parties concernées lors de l’établissement de tels rapports, que ce soit de manière amiable ou au moyen d’une procédure judiciaire.
Gautier MATRAY, Avocat - MATRAY, MATRAY & HALLET, société civile d'avocats, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris