Paralysie du gouvernement et force majeure
Aux Etats-Unis, les entreprises privées ont commencé à subir les conséquences de la paralysie du gouvernement qui a pris cours le 22 décembre 2018. Plusieurs agences gouvernementales délivrant des autorisations ou des certifications nécessaires à la vie des affaires, comme la Food and Drug Administration et ou la Federal Aviation Authority, sont en effet partiellement fermées. Lorsqu’une partie ne peut pas correctement exécuter ses obligations contractuelles en raison de décisions ou d’actions d’un gouvernement, sa responsabilité peut-elle être mise en cause?
La force majeure est en principe un événement fortuit et imprévu qui rend impossible l’exécution du contrat. Cette notion est connue du droit international des affaires et est fréquemment invoquée pour tenter d’échapper aux conséquences de l’inexécution d’une convention.
La force majeure, un événement imprévu
Selon la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (qui est en vigueur en Belgique, aux Etats-Unis, ainsi que dans 87 autres pays du monde), une partie n’est pas responsable de l’inexécution de l’une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l’on ne pouvait raisonnablement attendre d’elle qu’elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu’elle le prévienne ou le surmonte ou qu’elle en prévienne ou surmonte les conséquences.
Pendant tout le temps que dure cet empêchement, la partie concernée est exonérée de sa responsabilité et ne peut se voir réclamer des dommages et intérêts. Les autres recours dont bénéficie l’autre partie, comme la faculté de mettre un terme au contrat compte tenu de son inexécution, ne sont en revanche pas affectés.
A priori, la fermeture des agences gouvernementales pour des motifs politiques pendant un délai supérieur à quelques jours constitue, pour un pays tel que les Etats-Unis, un événement imprévu. Les fermetures du gouvernement y sont en effet rares (moins d’une dizaine en tout) et n’ont, pour la plupart, pas duré plus de 3 jours.
La force majeure, un événement insurmontable
Pour que la force majeure puisse être invoquée, il faut en outre que l’élément imprévu rende l’exécution du contrat impossible.
Cela pourrait par exemple être le cas si, à la suite d’un problème de fonctionnement au sein d’une agence gouvernementale, les autorisations nécessaires à l’importation de produits ne pourraient être délivrées. Dans une telle hypothèse, l’acheteur ayant payé le prix de vente mais étant dans l’impossibilité d’en prendre livraison ne pourrait pas être déclaré responsable de l’inexécution du contrat.
En revanche, des problèmes de trésorerie liés à l’absence de traitement, par une agence gouvernementale, d’une demande de subsides formée par une des parties au contrat ne s’avérerait pas suffisante. Souvent, l’octroi de subsides n’est en effet qu’un moyen de satisfaire à l’exécution d’une obligation (afin de procéder au paiement des marchandises achetées par exemple, ou de disposer des ressources nécessaires à la fabrication des marchandises vendues). Dès lors, la difficulté ne doit pas nécessairement être considérée comme insoluble et ne rend pas à elle seule impossible l’exécution du contrat.
Compte tenu de la diversité des cas de force majeure qui peuvent se rencontrer dans la vie des affaires et des difficultés d’interprétation que ce concept peut générer, la solution qui offre le plus de certitude et de prévisibilité consiste à définir, dans le contrat, les situations qui pourront être considérées comme des cas de force majeure.
Gautier Matray, Avocat - Matray, Matray & Hallet, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris - janvier 2019