Force majeure et commerce international
La Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises est un traité international dont l’ambition est d’uniformiser au niveau mondial les principaux aspects des contrats de vente. En tant que convention internationale, la Convention de Vienne est intégrée dans l’ordre juridique belge et a vocation à s’appliquer aux ventes internationales conclues depuis la Belgique. Mais la Convention de Vienne prévoit aussi expressément que son application peut être exclue par contrat. Quel pourrait être l’avantage ou l’inconvénient d’exclure la Convention de Vienne ? Les questions relatives à la force majeure constituent une illustration.
La force majeure est en principe un événement fortuit et imprévu qui rend impossible l’exécution du contrat. Cette notion est fréquemment invoquée pour tenter d’échapper aux conséquences de l’inexécution d’une convention. La pandémie mondiale du Covid-19 continue de mettre à l’épreuve le concept traditionnel de force majeure. Certes une crise sanitaire est entièrement étrangère aux parties à un contrat de vente. Mais puisque la crise se prolonge, une éventuelle aggravation de la situation et l’adoption de nouvelles mesures restrictives par les gouvernements seraient-elles vraiment des événements imprévisibles ?
La force majeure, un événement imprévu
Selon la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, une partie n’est pas responsable de l’inexécution d’une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l’on ne pouvait raisonnablement attendre d’elle qu’elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu’elle le prévienne ou le surmonte ou qu’elle en prévienne ou surmonte les conséquences. Pendant tout le temps que dure cet empêchement, la partie concernée est exonérée de sa responsabilité et ne peut se voir réclamer des dommages et intérêts. Les autres recours dont bénéficie l’autre partie, comme la faculté de mettre un terme au contrat compte tenu de son inexécution, ne sont en revanche pas affectés.
Une modification importante des circonstances qui n’était pas raisonnablement prévisible lors de la conclusion du contrat et qui est de nature à aggraver la charge de l’exécution du contrat peut, dans certains cas, constituer un empêchement au sens de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.
La Cour de cassation de Belgique a toutefois précisé que la notion de force majeure devait recevoir une interprétation beaucoup plus stricte en droit national belge que la notion d’empêchement au sens de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.
La force majeure, un concept modelable
Selon que le contrat de vente est soumis au droit belge purement interne ou à la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, la notion de force majeure pourra donc être interprétée de manière différente. Certaines parties excluent systématiquement l’application de la Convention. L’exemple de clause suivante est utilisé afin d’exclure l’application de la Convention de Vienne à un contrat déterminé et à la soumettre au droit belge interne uniquement : « La présente convention est régie par le droit belge, à l’exclusion de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ».
Une autre solution peut être d’adopter, dans le contrat de vente internationale, une définition propre de la notion de force majeure. Les parties sont ainsi libres de déterminer les événements (ou le type d’événements) qui peuvent être qualifiés de force majeure et les conséquences que ces événements peuvent avoir sur la poursuite du contrat (suspension, résiliation, etc.).
Compte tenu de la diversité des cas de force majeure qui peuvent se rencontrer dans la vie des affaires et des difficultés d’interprétation que ce concept peut générer, il est recommandé, dans ces temps particuliers, d’accorder une attention particulière à la notion de force majeure dans les nouveaux contrats à conclure par les entreprises.
Gautier Matray, Avocat - Matray, Matray & Hallet, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris(octobre 2020)