Le profil des Diplomates

Les pays clés

Les mots clés

France, Belgique, Suisse FR, Italie, Pologne, Espagne

hiérarchie, règles, centralisation, fiabilité, formalisme, analyse, honneur, bien-être

L’individualisme

Je constate parfois lors d’exposés que notre culture y associe une connotation « égoïste ». C’est une erreur. L’individualiste intègre les informations et ses obligations dans le « JE » et se montre fort responsable de lui-même et de sa famille proche. Nous verrons en détail ce qui distingue l’individualiste du collectiviste, mais je vous propose de ne pas tomber dans le cliché qui veut que le premier ne pense qu’à lui, et le second à la communauté. Nous verrons que cela peut être même l’inverse.

Ce qui est intéressant à noter ici, c’est que la France et la Belgique ont cette caractéristique unique au monde (avec la Pologne) d’avoir un score élevé dans ces 2 Dimensions : rapport au pouvoir et à l’individualisme. Dans toutes les autres cultures, un « équilibre logique » existe, entre soit un individualisme élevé correspondant à une réticence à l’autorité, soit un collectivisme élevé correspondant à un besoin d’autorité. Je pense que ceci explique cette « tension » que ces peuples ont toujours eue dans leurs relations avec leur autorité, et qu’aucun autre pays au monde ne ressent de la même manière. Nos deux pays sont uniques à ce point de vue, et nous sommes seuls capables d’en comprendre les finesses. Car l’Américain admirera notre individualisme (qu’il comprendra) et sera par exemple surpris de nous voir obéir docilement à un ordre douteux.

Le sens de l’honneur : cette apparente contradiction explique également notre sens de l’honneur. La culture française, et dans une moindre mesure la culture belge, est ainsi faite que chaque personne, quel que soit son niveau hiérarchique, dispose de « son point d’honneur ». Ce concept d’honneur permet à chacun d’entre nous de « toucher à la noblesse » pour un moment, dans la position que nous occupons, quelle que soit celle-ci. Dès lors, il explique comment les individualistes que nous sommes peuvent in fine accepter l’Autorité Supérieure, qui elle-même pourra comprendre notre attitude individualiste dans certaines circonstances particulières. L’honneur explique également pourquoi il est maladroit de prendre quelqu’un en faute en public, et qu’il vaut mieux faire cela discrètement, même s’il s’agit d’un inférieur hiérarchique. S’il s’agit d’un supérieur hiérarchique, l’usage veut que celui qui reçoit l’ordre « se débrouille » pour respecter « l’esprit » de l’ordre tout en n’obéissant pas « à la lettre ». L’honneur existe également dans d’autres cultures, mais prendra d’autres formes (perte de la face en Asie, fierté masculine britannique, etc.).

Le rapport à la motivation, la masculinité

Les scores de 43 (FR) et 54 (BE) illustrent parfaitement – à mon avis – cet équilibre délicat qui nous caractérise. Effectivement, nous n’aimons les conflits que s’ils sont verbaux, je dirais presque amicaux. On pourra avoir de grandes discussions en famille ou entre amis à propos du mariage pour tous ou à propos des conditions d’euthanasie, mais nous éviterons le conflit constant avec un collègue de travail ou un voisin. On veillera à ne pas choquer notre entourage avec une attitude originale ou surprenante. Bref, nous sommes dans un besoin d’harmonie avec notre entourage, et nous adopterons l’attitude appropriée plutôt que le conflit permanent. C’est pour cela que nous sommes des artistes du compromis, père de la diplomatie, invention bien française du 18ème siècle. Un autre exemple révélateur est la mode française, de réputation mondiale, qui peut être vue comme la manière d’être habillé comme il faut au moment où il faut. Cet équilibre délicat entre le « ni trop ni trop peu » est une des caractéristiques de nos cultures belges (championnes du compromis) et françaises (inventeurs de la diplomatie). Ainsi placés « au milieu du curseur », nous comprenons aussi bien les Néerlandais qui obtiennent un score de 14 que les Japonais (score de 95) ou les Polonais (score de 93). Quant à l’autre aspect de la Masculinité qui est le besoin de compétition et de réussite, nous n’avons pas tranché. Entre « vivre pour travailler » et « travailler pour vivre », nous n’avons pas réellement choisi, et les deux concepts se côtoient dans un équilibre que seul un bon Diplomate peut maintenir.

Le rapport à l’incertitude

La France est classée 17ème pays et la Belgique 8ème pays au monde quant à leur sensibilité à l’incertitude. Ce classement se révèle remarquablement élevé, et il est important d’en prendre conscience, ici et maintenant. Lors de négociations délicates, les négociateurs Diplomates mal informés seront fort désavantagés en étant confrontés avec des cultures moins sensibles à l’incertitude. Et elles sont nombreuses. Une corrélation naturelle liée à l’évitement de l’incertitude est la terreur de l’échec. Pour nous, l’incertitude est trop souvent synonyme de risque d’échec, car nous avons besoin de préparation, d’analyse, d’instruction de la hiérarchie pour agir. Alors très logiquement, pour nous, l’échec résulte d’un manque de tout cela, donc d’intelligence, et donc de ridicule. Et « le ridicule tue » chez nous. Ce n’est pas le cas partout ailleurs. Car pour le groupe des « Compétiteurs », au contraire, la « vraie vie » (real life), c’est l’improvisation, le combat, la déstabilisation de l’adversaire, la décision rapide. Mais surtout, cela rend chez eux l’échec acceptable. Car même dans l’échec, on peut grandir. « Ce n’est pas chuter qui est grave, ce qui est important c’est ce que vous faites quand vous vous relevez » est une phrase typique du discours du politicien américain, évincé par son concurrent pour indiquer qu’il n’en sera que plus dangereux.

Extrait de l’ouvrage « Négociation internationale : l’entretien de vente en B to B », de Jean-Pierre Coene – Editions Edi.Pro  (novembre  2021)

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