Saviez-vous que le secteur de la construction est responsable d'environ 50 % de la consommation mondiale de matières premières ? Saviez-vous également qu’il est un des plus grands producteurs de déchets (construction et de démolition) au monde ? Les enjeux pour durabiliser les différentes filières de la construction sont immenses, mais un nombre croissant d’entreprises intègrent désormais les enjeux sociaux et environnementaux dans leurs activités afin de trouver le meilleur équilibre entre les différents piliers du développement durable.

Stabilame, entreprise wallonne spécialisée dans les constructions en bois a partagé avec l’AWEX sa stratégie de développement durable : un moteur idéal pour porter ses valeurs environnementales et sociétales, mais aussi pour rester compétitive, anticiper les évolutions du marché, bref, conserver une longueur d’avance sur la concurrence internationale. Rencontre avec Nathalie Lebrun, chargée de communication chez Stabilame.

AWEX : Bonjour Nathalie. Pourriez-vous tout d’abord nous présenter en quelques mots Stabilame ?

Nathalie Lebrun : Nous sommes une entreprise familiale créée en 1989 et issue du Groupe Riche. Notre spécialité, c’est la conception et la fabrication de bâtiments en bois, selon différents systèmes constructifs. Chaque année, nous fabriquons plus de 200 structures en bois dans notre usine de Mariembourg avant de les assembler chez nos clients. Nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne de production, du séchage du bois à son optimisation, de l’aboutage au lamellé-collé et panneaux CLT, de l’entaillage au traitement. Grâce à ce savoir-faire, notre entreprise produit des pièces en bois et bâtiments de qualité supérieure à ce que l’on peut trouver sur les marchés.

Et qu’est-ce qui vous rend, en quelque sorte unique par rapport à vos concurrents ?

NL : Notre particularité est d’avoir réussi à développer une expertise de tous les systèmes constructifs existants sur le marché. Contrairement à nos principaux concurrents, essentiellement allemands et autrichiens, nous avons fait le choix stratégique de proposer la meilleure solution sur mesure, sur base de projets spécifiques et uniques, loin des solutions standardisées et disponibles à grande échelle. Alors que nos concurrents sont « mono-sytème », nous proposons 5 systèmes d’assemblage combinables différents, ce qui nous permet d’être concurrentiel en Belgique et surtout à l’étranger. Nous pouvons nous permettre d’aller très loin dans cette personnalisation grâce à la technologie 3D intégrée de l’étape de la planche à dessin de production aux centres d’entaillage. Tous les détails concernant les projets sont étudiés en amont (détails de connexion, assemblages, positionnement des fenêtres, techniques spéciales, …). Cette étude préalable nous permet ensuite de réaliser en atelier de nombreuses étapes de préfabrication, dans des conditions de travail optimales.

Vous mentionnez votre travail à l’étranger. Avec quels marchés travaillez-vous ?

NL : Nous travaillons essentiellement avec les pays limitrophes, mais aussi avec le Canada.

Comment vous-y prenez-vous du coup ?

NL : Grâce à notre souplesse et notre agilité. A priori, notre pays est moins associé au » bois » que le Canada ou les pays scandinaves, mais nous disposons de quelques belles entreprises spécialisées. Stabilame est une entreprise dotée d’un bureau d’étude intégré d’unités de fabrication sur-mesure. Nos clients professionnels doivent donc travailler avec moins d’intermédiaire et gagnent en rapidité et en efficacité avec leurs projets.

Le matériau « bois » est souvent associé à l’environnement. Le développement durable fait-il partie intégrante de votre stratégie managériale ?

Tout à fait. Mais avant de parler environnement, nous souhaitons rappeler que, pour mener une politique efficace de développement durable, il faut d’abord s’assurer que les membres qui composent l’entreprise s’approprient la démarche. C’est la base selon nous, sinon c’est une coquille vide ou bien seulement les produits finis sont concernés, mais alors vous n’avez pas de politique de durabilité complète. Nous menons auprès de nos 130 employés et de nos clients une politique managériale reposant sur l’écoute et le respect des hommes et de leur environnement. Notre unité de production répond aux exigences les plus strictes en matière de sécurité, de bien-être du personnel, et bien entendu de tri et de valorisation des déchets concernant nos activités. Des démarches volontaires environnementales, comme labéliser des produits de construction bois avec le « Label Biosourcé » et réaliser des Déclarations Environnementales de Produits (DEP) permettent d’appuyer nos actions et  notre philosophie.  Nous nous considérons comme une entreprise citoyenne avec un rôle sociétal à jouer.

Et au niveau de vos processus de productions et de vos produits, qu’avez-vous appliqué ?

NL : Comme je l’ai mentionné, nous faisons partie d’un groupe familial (Groupe Riche, comprenant le sociétés Menuiserie Riche, EnercoBois et Stabilame). Nos déchets sont valorisés entre sociétés donc nous nous inscrivons réellement dans l’économie dites « circulaire ».

De plus, nous nous attachons, vu que c’est notre cœur de métier, à privilégier les bois issus de forêts européennes, les plus proches de la Wallonie possible, afin de minimiser notre impact environnemental. Stabilame est, à ce titre, en phase avec sa matière première de prédilection, le bois étant le matériau écologique par excellence puisque c’est une des seules matières premières de construction renouvelable, quand elle est bien gérée. Nous avons la chance d’être en Europe où les forêts sont relativement bien gérées.

Pour terminer, je préciserai que nous sommes labellisés PEFC et label Produit biosourcé (ex. chanvre, bois, paille) Remplaçable car cultivable. En plus, on est en circuit-court, ce qui est important pour nos exportations proches (France, Luxembourg,…)

Considérez-vous plutôt le développement durable comme une opportunité ou un frein à votre développement économique ?

NL : Au niveau de notre métier, c’est clairement un atout. En optimalisant la matière, nous réduisons la quantité de déchets que nous produisons et nous sommes gagnant en réduisant les pertes.

L’obtention de certificats et labels nous oblige à nous améliorer et nous calquer sur des standards plus poussés, donc à court terme ça nous coûte. Mais au final nous fidélisons nos clients ET ça nous démarque de nos concurrents. Ces certificats et labels nous permettent aussi de nous donner un gage de qualité et de sérieux, particulièrement à l’international et là où nous ne sommes pas encore connus.

Selon vous, l’information est primordiale pour valoriser et expliquer votre politique de Responsabilité Sociétale (RSE) ?

NL : Tout à fait. Pour le moment, c’est un plus, mais bientôt ce sera incontournable spécialement dans notre métier. Des démarches volontaires environnementales sont en finalisation, comme l’élaboration d’analyses de cycle de vies de nos produits, qui permettent de réaliser des DEP ou des FDES (Fiche de déclaration environnementale et sanitaire), qui permettent d’intégrer les bases de données environnementales strictes comme Inies en France et Totem en Belgique.

Les architectes et bureaux d’études, mais aussi grandes entreprises, pourront ainsi intégrer facilement nos produits dans leurs projets de haute qualité environnementale.

Pour anticiper l’avenir, nous nous attendons à une révolution du BIM (Building Information Model) dans notre métier. Il s’agit d’un suivi « modèle » d’informations techniques tant en plans qu’en informations techniques « produits » pour un même projet.  Bientôt les composantes environnementales des matériaux et produits intègreront le processus. Nous voulons donc être prêt quand ça deviendra la norme.

Ces recherchent constituent pour nous un budget assez lourd et le retour sur investissement (ROI) n’est pas direct. Mais nous sommes persuadés que c’est l’avenir du bâtiment et que l’on doit s’y intéresser dès maintenant pour être prêts quand l’ACV d’un produit ou des informations destinées à un BIM deviendront des demandes réglementaires de clients privés ou de marchés publics.

Et dans vos projets à l’export ? Le développement durable est-il devenu incontournable ?

NL : Tout dépend des pays visés. En Europe, aux Etats-Unis et au Canada le « durable » doit être pris en compte. Même si pour beaucoup ça reste un nouveau créneau, sa prise en compte peut nous aider à faire la différence auprès de clients étrangers. Il y a 15 ans ce n’était pas forcément cas, où seulement pour des projets spécifiques. Au Québec, par contre, c’est devenu incontournable. Leur Charte du bois est une des plus poussée en matière de durabilité.

Pour revenir aux labels, en France, par exemple, le label biosourcé et les FDES prennent de l’importance.  Nous y voyons un beau potentiel de croissance à l’exportation.

L’impact de la crise de la covid-19 a-t-elle eu une incidence sur votre politique de durabilité ?

NL : Le covid-19 n’a pas eu une incidence directe sur notre politique de durabilité, si ce n’est de confirmer nos bons choix de travailler en circuits courts.  Par contre, la période du confinement a permis de prendre du recul et d’aboutir à certains projets, comme la rédaction d’un mémorandum sur nos démarches environnementales et sociétales (RSE) qui explique notre philosophe et ses mises en application dans nos gestions industrielle et humaines, nos innovations et la noble matière première qu’est le bois.