Hanoi - Libramont, la croisée des chemins

L’ambassadeur du Vietnam en Belgique, Vu Anh Quang, a rendu visite aux entreprises wallonnes pendant la 85e édition de la Foire Agricole de Libramont. Alors que les deux pays fêtaient l’année dernière les 45 ans de leurs liens diplomatiques, les opportunités économiques ne cessent de s’accroître, en particulier dans l’agriculture. Une opportunité que des entreprises wallonnes n'ont plus qu'à saisir.

C’est presque devenu une habitude. Le Vietnam et la Belgique échangent quasi annuellement leurs délégations à tous niveaux et se soutiennent mutuellement sur les forums internationaux. En 45 ans de liens bilatéraux, la coopération économique et commerciale va bon train et s’accélère même au point de faire de ce pays d’Asie du Sud-Est un nouveau partenaire de choix. Encore trop mal connu des entrepreneurs, le Vietnam ne manque pourtant pas d’atouts, notamment pour son secteur agricole en plein développement.

(Re)naissance d’un tigre

Engagé dans sa politique du Doi Moi  (littéralement : voie du renouveau) depuis 1986, le Vietnam est passé en 2011 au statut de pays à revenu intermédiaire (PIB par habitant supérieur à 1 400 $). Afin de réduire les freins au développement, le Vietnam s’est doté d’objectifs stratégiques et ambitieux pour devenir à l’horizon 2020 une puissance industrielle de premier plan.

Pour y arriver, le gouvernement vietnamien continue de promouvoir la mutation du modèle économique en développant les infrastructures, en favorisant la formation de la main-d’œuvre et en modernisant ses institutions. Des réformes qualitatives qui doivent avoir pour effet de rassurer les investisseurs internationaux et atténuer les risques économiques, financiers et sociaux.

Conséquence de la mutation industrielle du pays et de la place de plus en plus prépondérante du monde des services, le PIB du Vietnam se répartissait de la façon suivante : agriculture (18,4 %), industrie et construction (38,3 %), services (43,3 %). Le Vietnam garde encore une image de pays dirigé par des grands groupes publics à l’origine du développement industriel du pays. Pourtant c’est le secteur privé (90% de PME) et surtout les investissements directs étrangers qui soutiennent désormais la croissance du pays.

Tiré par les exportations agricoles et minières notamment, le PIB vietnamien a été multiplié par 5 entre 2002 et 2013 permettant une hausse généralisée du niveau de vie entraînant la création d’un marché intérieur à fort potentiel de consommation.

Délégation vietnamienne en visite au stand de l'AWEX durant la Foire Agricole de Libramont (2019)

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Augmentation des échanges entre la Wallonie et le Vietnam

Que représente les échanges commerciaux wallons avec un pays aussi lointain que le Vietnam ? Loin derrière la Chine ou le Japon, le Vietnam est le 50ème marché de la Wallonie. En 2018, les entreprises wallonnes ont exporté pour plus de 59 millions d’€. Des montants modestes mais non négligeables qui marquent une augmentation de 173,7% sur 10 ans ! Les principaux secteurs d’exportations en 2018 étaient le pharmaceutiques (55,9%), les métaux et ouvrages (15,6%) et… l’agroalimentaire (14,1%). Nous y reviendrons.

A l’inverse, le Vietnam est le 41ème fournisseur de la Wallonie.  La Région a en effet importé pour 33 millions d’€ (soit une hausse de 239,7% depuis 2008) dans le textile et habillement (55,6%), l’agroalimentaire (23,6%) et les pierres et métaux précieux (6,8%).

L’agriculture, principale bénéficiaire des relations bilatérales belgo-vietnamiennes

La Belgique et le Vietnam sont des partenaires agricoles importants. La Belgique a, par exemple, été déterminante dans le développement du secteur laitier et aquacole au Vietnam à la fin des années 90 et au début du XXIe siècle. Dans le domaine de la coopération académique, les universités flamandes et francophones ont des partenariats de longue date avec leurs homologues vietnamiennes.

La Belgique est en effet la plus grande partenaire de développement de la VNUA (Université nationale d'agriculture du Vietnam). L'Université de Liège a une coopération structurelle avec la VNUA pour améliorer ses performances académiques et augmenter le nombre de ses doctorants. De plus, les deux universités ont mené des recherches spécifiques communes sur le piétrain (une race porcine d’origine belge) et l’amélioration du processus de post-récolte des fruits.

Au-delà du traditionnel secteur pharmaceutique, c’est le savoir-faire agricole wallon et l'excellence de son agro-tech qui suscitent l’intérêt du Vietnam et de ses industries, en plein (re)développement agricole. Preuve en est, la présence de l’ambassadeur et de sa délégation à la Foire de Libramont sur les stands d’outillages mécaniques (Agrimat, Joskin...), de semences (Awé) et de technologies de monitoring agricole via satellite (Spacebel).

Pour soutenir sa consommation interne, friande de produits carnés, le Vietnam se penche sur la star des prés wallons, la Blanc Bleu Belge (Innoveo). Une fois n’est pas coutume, c’est elle qui a focalisé l’attention de la délégation.

Michel Kempeneers - COO Overseas Export - Investment à l'AWEX

" La classe moyenne vietnamienne a désormais accès à des produits alimentaires importés d'UE. Les prochains accords de libre-échange vont donner aux entreprises et producteurs wallons l'opportunité de travailler avec ce nouveau marché en croissance permanente."

Michel Kempeneers

L’Accord de Libre-échange UE – Vietnam, quel intérêt pour la Wallonie ?

Le soutien à la filière bovine wallonne s'internationalise jusqu'au Vietnam

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L’Accord de Libre-échange UE-Vietnam est un accord de libre-échange (ALE) dit de « nouvelle génération ».

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Outre la suppression classique des droits de douane et des barrières non tarifaires sur les échanges de biens et de services, il contient des dispositions en ce qui concerne la protection des droits de propriété intellectuelle, la libéralisation des investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable.

En outre, l’accord encourage les Parties à ratifier et appliquer les 8 conventions fondamentales de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) et les accords multilatéraux dans le domaine de l’environnement. Il érige notamment le respect des droits de l’homme au titre de clause essentielle. Dès lors, si une des parties à l’ALE commet une violation matérielle des droits de l’homme, l’autre partie peut prendre des mesures appropriées, comme une suspension totale ou partielle de l’accord. L’ALE renforce le rôle de la société civile dans le suivi de la mise en œuvre des dispositions « commerce et développement durable » et contient l’engagement des Parties à ne pas affaiblir leurs niveaux de protection du travail et de l’environnement en vue de favoriser le commerce ou d’attirer des investissements (clause de status quo).

Quid de l’économie wallonne ?

Les intérêts du monde agricole sont garantis. En effet, le Vietnam a une production agricole de petite échelle, essentiellement limitée au riz, au café, au thé et aux fruits tropicaux. Le pays est dépendant des importations pour rentrer dans ses besoins alimentaires. Les exportations du Vietnam dans le domaine agricole ne constituent donc en rien une menace pour les productions wallonnes. Tous les produits importés du Vietnam devront respecter les normes UE en matière de sécurité alimentaire, de santé animale et végétale. L’application du principe de précaution par l’UE est par ailleurs pleinement garantie.

Si la plupart des produits déjà exportés par la Wallonie vers le Vietnam le sont aujourd’hui à droits nuls, cet accord garantira l’accès en franchise de droits pour le futur et offrira des opportunités de diversification des exportations wallonnes. Il éliminera en effet tous les droits encore perçus par le Vietnam sur certains produits de l’UE (comme l’inuline, les pommes de terre cuites ou congelées, les sucres, le malt non torréfié, les biscuits, les bières de malt, des amidons et fécules).

L’accord offrira également de nouvelles opportunités aux entreprises wallonnes actives dans le domaine des services (notamment en ce qui concerne les services environnementaux et les services de transport). De plus, il renforcera les possibilités pour les entreprises européennes de soumissionner aux appels d’offres du Vietnam.

Dans le domaine des produits du secteur des énergies renouvelables, les parties s’engagent à lever des barrières non tarifaires en se basant sur des normes, pratiques et lignes directrices internationales pour les règlementations techniques ou les procédures d’évaluation de conformité. Pour la Wallonie, les produits bénéficiaires comprennent notamment les parties de pompes à air ou à vide (1,85% des exportations), les compresseurs volumétriques alternatifs (1,41%), les pompes pour liquides (1,11%) et les réducteurs, multiplicateurs et boîtes de vitesse (1,06%). 

En matière de propriété intellectuelle, le Vietnam est le premier partenaire commercial à accepter officiellement l’indication d’origine « Made in EU » pour des produits non-agricoles. En outre, les indications géographiques sont respectées dans l’ALE (pour la Belgique, il s’agit de l’indication Korn/Kornbrand). Enfin, notons que le Vietnam s’est engagé à ratifier les traités Internet de l’Organisation Mondiale de Propriété Intellectuelle (OMPI) ou encore l’Accord de La Haye sur l’enregistrement des modèles.

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